Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Zeus vous fasse expirer sans vengeance en ces lieux. »

Il dit ; et Jupiter, qui voit tout, pour augure
Fit s’envoler d’un mont deux aigles merveilleux.
De leurs rames d’abord la puissante envergure
Les soutint côte à côte, aux souffles du matin.
Mais, rendus au milieu du bruyant pêle-mêle,
Vingt fois, en tournoyant, ils battirent de l’aile,
Et, l’œil sur les rivaux, annoncèrent leur fin.
Puis, se griffant de l’ongle et le col et la face,
Ils s’enfuirent à droite, à travers toits et murs
L’aspect de ces oiseaux stupéfia la masse,
Et chacun pressentit des accidents futurs.
À l’instant se leva le vieillard Halitherses,
Fils de Mastor : ce preux d’auspice et de devin
Mieux qu’aucun possédait les sciences diverses.
Désireux d’être utile, au peuple il dit soudain :
« Ithaces, qu’on me prête une oreille propice.
Aux Prétendants surtout s’adresse mon discours,
Car un grave malheur les attend : non, Ulysse
N’éternisera point son voyage au long cours.
Peut-être est-il tout proche, élaborant leur perte.
Dans le même filet on verra trébuchant
Plus d’un fils de cette île exposée au couchant.
Donc pour les réprimer qu’ici l’on se concerte.
Qu’eux-mêmes restent cois, ils s’en trouveront mieux.
Point ne prédis à faux, mais avec sapience ;
Et tout s’accomplira, j’en ai la conscience,
Comme je l’annonçais, quand, suivi de ses preux,
Partit pour Ilion notre ingénieux maître.
Je dis qu’exténué, tous ses compagnons morts,
Après vingt ans d’absence, inconnu sur ces bords,