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C’est que des Prétendants, tous de race enfiérie,
Ont assailli ma mère, hostile à leur vouloir.
Ils n’osent point aller chez son père Icarie,
Pour qu’il dote sa fille et la donne au galant
Qui saura, gendre élu, capter ses bonnes grâces.
Mais, dans notre logis tous les jours circulant,
Ils égorgent taureaux, brebis, et chèvres grasses,
Festinent, et gaiement boivent le vin de feu.
Tout est presque détruit. C’est qu’il n’est pas d’Ulysse
Pour chasser de mon toit ces monstres de malice.
Nos bras n’y pourraient rien ; sans doute, après l’aveu,
Nous passerons pour nuls et d’effort incapables.
Moi, si je le pouvais, je les chasserais tous,
Car des actes pareils ne sont plus tolérables.
Mon toit périt sans gloire : or donc, indignez-vous ;
Craignez de nos voisins les blâmes unanimes ;
Redoutez des grands dieux la juste némésis ;
Qu’ils n’aillent, courroucés, vous punir de ces crimes.
Par Jove olympien, par la sage Thémis
Qui convoque et dissout les assises humaines,
Mes amis, finissez ! à mes regrets constants
Laissez-moi. Si jamais mon doux père, en son temps,
Aux Grégeois bien guêtrés a pu causer des peines,
Vengez-vous sur son fils, rendez-lui maux pour maux,
En excitant ceux-ci. J’aurais plus d’avantage
À vous voir consommer mes biens et mes troupeaux :
Vous me rembourseriez peut-être le dommage,
Car je vous poursuivrais par toute la cité,
Réclamant mon avoir jusqu’à rentrée entière ;
Mais pour toujours m’abat votre complicité. »
Il se tut, hors de lui, jeta son sceptre à terre
Et pleura chaudement. Le peuple s’affecta ;