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Ulysse, comme il suit à son vœu se conforme :
« Puissant Alcinoüs, insigne Majesté,
Il est un temps pour dire, un temps pour que l’on dorme.
Mais puisque avidement je me vois écouté,
Je te raconterai maint fait plus effroyable,
Le deuil de mes compains qui périrent plus tard.
Réchappés des horreurs du troyen boulevard,
Au retour les perdit une femme exécrable.

Lorsque de tous côtés la funèbre Junon
Eut chassé les esprits des femelles éparses,
Devant moi se campa d’Atride Agamemnon
Le spectre ; autour de lui se pressaient les comparses
Qu’Égisthe avec ce preux chez soi fit terrasser.
Le roi me reconnaît dès qu’au sang noir il goûte ;
Il soupire, répand des pleurs goutte sur goutte,
Et tend les mains vers moi comme pour m’embrasser.
Hélas ! il n’avait pas la force et l’énergie
Dont jadis s’animaient ses membres florissants.
Ma paupière, à le voir, de larmes s’est rougie,
Et je lui dis peiné ces mots compatissants :
« Fameux chef des guerriers, Agamemnon Atride,
Comment donc t’a dompté l’universel trépas ?
Neptune en tes vaisseaux, sous le souffle rapide
Des vents malicieux, t’aurait-il coulé bas ?
Ou péris-tu sur terre entre des mains hostiles,
Tandis que tu pillais la vache et le mouton,
Enlevais le beau sexe et ravageais les villes ? »

Je dis ; et le héros réplique de ce ton :
« Divin fils de Laërte, industrieux Ulysse,
Neptune avec mes nefs ne m’a point coulé bas,