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« Déesse, qui viendra piloter mon vaisseau ?
Jamais nef n’a franchi l’infernal orifice. »

Je dis ; alors Circé m’instruisant de nouveau :
« Noble enfant de Laërte, industrieux Ulysse,
Ne t’inquiète pas d’avoir un nautonnier.
Équilibre ton mât, largue la blanche toile,
Et reste en paix ; Borée impulsera ta voile.
L’Océan parcouru, juste à son flot dernier,
Tu verras un bas-fond, les bois de Perséphone
Avec leurs saules gris et leurs pibles vibreux.
Aborde cette plage où maint gouffre bouillonne
Et gagne de Pluton l’asile ténébreux.
Là le Pyriphlégèthe et le bruyant Cocyte,
Qui n’est qu’un bras du Styx, coulent dans l’Achéron.
Au confluent sonore un roc monte en fleuron.
Approche-toi, héros, du point que je te cite,
Et creuse un fossé large en tous sens d’un coudât.
En l’honneur des défunts tout alentour épanche
D’abord du lait mielleux, ensuite du muscat.
Enfin de l’eau ; joins-y de la farine blanche.
Jure alors d’immoler à ce peuple en linceul,
Dans Ithaque, au retour, ta plus belle génisse ;
D’allumer un bûcher riche en mainte prémice ;
Puis d’égorger à part, pour Tirésias seul,
Un noir bélier, la fleur de ton vert territoire.
Après avoir des morts prié l’illustre essaim,
Frappant un agneau mâle, une femelle noire,
Tourne-toi vers l’Érèbe et porte un œil certain
Sur le cours du torrent. À toi viendront en foule
Les fantômes légers de ceux qui ne sont plus.
Exhorte alors tes gens, par des mots résolus,