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Donnant aux conviés sièges et tabourets,
Elle mêle pour eux miel, farine et fromage
Dans du vin de Pramnie, et verse en ces apprêts
Une eau qui de leur terre en tous tuera l’image.
À peine ont-ils goûté ce breuvage énervant,
D’un jonc elle les frappe, en un tect les envoie.
Ils ont bien des pourceaux le groin, le ton, la soie,
Tout le corps ; mais leur âme est la même qu’avant.
Circé, malgré leurs cris, les enferme et leur jette
Des faînes et des glands, des fruits de cornouiller,
Juste aliment du porc qui par terre végète.

Euryloque revole au rapide voilier,
Pour nous dire le sort des pauvres camarades.
Quoi qu’il fasse, il ne peut articuler un mot ;
Sa douleur se révèle en de brusques saccades ;
Ses yeux sont deux torrents, son langage un sanglot.
Enfin, quand nous voulons que le tout s’éclaircisse,
Il nous raconte ainsi le malheur arrivé :
« Marchant, selon ton ordre, aux rouvres, noble Ulysse,
Nous trouvons dans un val un toit parachevé,
Bâti de marbre pur, et qu’un tertre supporte.
Dive ou non, une femme, à l’aise gazouillant,
Y brodait un tissu : notre ost va l’appelant.
Elle arrive aussitôt, ouvre sa riche porte,
Nous invite ; étourdis, tous entrent à la fois.
Seul craignant un danger, moi, je file en arrière.
La masse a disparu, nul n’a rejoint le bois ;
En vain j’ai fait longtemps le guet dans la clairière. »

Il dit ; moi, me passant un grand glaive en sautoir,
Bronze aux clous argentins que mon arc accompagne,