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De Mentès, roi de Taphe, elle avait pris la forme.
Aux jetons, près du porche, en fiers habitués,
Accroupis sur les peaux des bœufs par eux tués,
Les Prétendants jouaient une partie énorme.
Autour d’eux des valets, de diligents hérauts
Mêlaient l’onde et le vin dans les larges cratères,
Sur les tables passaient des éponges légères,
Les mettaient à portée et dépeçaient les rôts.
Or, le beau Télémaque avant tous vit Minerve,
Car il était assis parmi les Prétendants,
Et songeait à son père, et, tout triste au dedans,
Souhaitait qu’il revînt pour traquer la caterve,
Récupérer ses biens, gouverner en vainqueur.
Tels étaient ses pensers, quand il vit l’Immortelle.
Il courut au passage, indigné dans son cœur
Qu’un hôte pût attendre, et, s’arrêtant près d’elle,
Prit sa dextre, reçut la longue arme d’airain,
Ensuite l’honora de cette phrase ailée :
« Salut ! nous t’hébergeons, gracieux pérégrin ;
Tu peindras tes besoins, ta personne attablée. »

Il dit ; Pallas-Minerve aussitôt suit ses pas.
Lorsqu’ils furent au sein du palais magnifique,
Télémaque posa contre un grand fût la pique,
Dans une riche armoire où luisait un amas
D’autres lances d’airain, propriété d’Ulysse.
Puis il mena Pallas vers un siège pompeux,
Mit sous elle un tapis, à ses pieds un banc lisse.
Il s’avança lui-même un fauteuil somptueux,
Mais distant des Rivaux, de peur que leur tumulte
N’effrayât l’étranger au même lieu mangeant.
D’ailleurs l’enfant voulait une odyssée occulte.