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N’ont pas de gouvernail, comme les autres coques ;
Mais ils vont devinant le but des nautonniers,
Et savent les pays, les ports sans équivoques.
Voilés par l’air, la nue, ils croisent vivement
L’abîme fluctueux, et leur vol émérite
Ne craint ni les dégâts ni l’engloutissement.
J’ai pourtant ouï dire autrefois à Nausithe,
Mon père, que Neptune un jour nous punirait
De reconduire saufs tous les gens de passage.
Il disait que ce dieu dans l’abîme noierait
Un de nos forts bateaux revenant d’un voyage,
Puis sous un vaste mont cacherait nos remparts.
Ainsi contait l’ancien ; cette double infortune
Peut arriver ou non, comme voudra Neptune.
Mais allons, réponds-moi, dis bien tous les hasards
Que tu courus, les lieux où te porta la chance,
Les hommes que tu vis, et leurs murs florissants ;
Si c’étaient des gens durs, cruels, pleins d’arrogance,
Ou bien hospitaliers, aux dieux obéissants.
Dis-nous pourquoi tes pleurs, ta détresse profonde,
Au récit du destin des Grecs et d’Ilion ;
Les dieux ont décrété cette destruction
Afin qu’un chant vainqueur l’éternise en ce monde.
T’aurait-on, devant Troie, occis quelque parent,
Un doux gendre, un beau-père, alliés qu’on estime
Après ceux de son sang, de sa lignée intime ?
Serait-ce un compagnon au commerce attirant,
Instructif ? En effet l’ami d’un savoir grand
Mérite autant d’amour qu’un frère légitime. »