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Afin que sain et sauf il regagne ses terres. »

L’Argicide envoyé répliqua vivement :
« Fais-le partir ainsi ; crains le dieu porte-égide ;
Garde qu’il ne te frappe en son courroux fumant. »
À ces mots disparut le puissant Argicide.

Après avoir ouï l’ordre du roi des dieux,
L’auguste nymphe alla vers le prudent Ulysse.
Il demeurait assis sur la grève, et ses yeux
Se rougissaient de pleurs : pour lui, plus de délice
En sa prison, l’amour ayant fui de son cœur.
La nuit, près de la dive, en sa caverne creuse,
Par force il reposait, glaçant la chaleureuse.
Le jour, sur les rochers promenant sa langueur,
Des sanglots à la bouche, et l’âme déchirée,
Ses regards dévoraient l’abîme infructueux.

Tout à coup, l’abordant, la déesse azurée :
« Ne te consume plus en regrets luctueux,
Infortuné, je vais te renvoyer de suite.
Mais coupe de longs bois, construis avec l’airain
Un grand radeau ; revêts ce planchage marin
D’un tillac, pour braver toute lame fortuite.
Comme provisions, j’y placerai du pain,
De l’eau, du vin corsé, soutien de la matière.
J’y mettrai des habits ; enfin, bon vent arrière,
Tu pourras sain et sauf revoir ton sol lointain,
Si c’est la volonté des gouvernants célestes
Qui savent mieux que moi prévoir, puis accomplir. »

Le patient Ulysse alors de tressaillir