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Aidès et à l’implacable Perséphonéia. Tire ton épée aiguë de sa gaîne, le long de ta cuisse, et ne permets pas aux ombres vaines des morts de boire le sang, avant que tu aies entendu Teirésias. Aussitôt le divinateur arrivera, ô chef des peuples, et il te montrera ta route et comment tu la feras pour ton retour, et comment tu traverseras la mer poissonneuse.

Elle parla ainsi, et aussitôt Éôs s’assit sur son thrône d’or. Et Kirkè me revêtit d’une tunique et d’un manteau. Elle-même se couvrit d’une longue robe blanche, légère et gracieuse, ceignit ses reins d’une belle ceinture et mit sur sa tête un voile couleur de feu. Et j’allai par la demeure, excitant mes compagnons, et je dis à chacun d’eux ces douces paroles :

— Ne dormez pas plus longtemps, et chassez le doux sommeil, afin que nous partions, car la vénérable Kirkè me l’a permis.

Je parlai ainsi, et leur cœur généreux fut persuadé. Mais je n’emmenai point tous mes compagnons sains et saufs. Elpènôr, un d’eux, jeune, mais ni très-brave, ni intelligent, à l’écart de ses compagnons, s’était endormi au faîte des demeures sacrées de Kirkè, ayant beaucoup bu et recherchant la fraîcheur. Entendant le bruit que faisaient ses compagnons, il se leva brusquement, oubliant de descendre par la longue échelle. Et il tomba du haut du toit, et son cou fut rompu, et son âme descendit chez Aidès. Mais je dis à mes compagnons rassemblés :

— Vous pensiez peut-être que nous partions pour notre demeure et pour la chère terre de la patrie ? Mais Kirkè nous ordonne de suivre une autre route, vers la demeure d’Aidès et de l’implacable Perséphonéia, afin de consulter l’âme du Thébain Teirésias.

Je parlai ainsi, et leur cher cœur fut brisé, et ils s’assirent, pleurant et s’arrachant les cheveux. Mais il n’y a nul