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Quand même tu irais là, je me soucie peu de ta colère, car rien n’est plus impudent que toi.

Il parla ainsi, et Hèrè aux bras blancs ne répondit rien. Et la brillante lumière Hélienne tomba dans l’Okéanos, laissant la noire nuit sur la terre nourricière. La lumière disparut contre le gré des Troiens, mais la noire nuit fut la bienvenue des Akhaiens qui la désiraient ardemment.

Et l’illustre Hektôr réunit l’agora des Troiens, les ayant conduits loin des nefs, sur les bords du fleuve tourbillonnant, en un lieu où il n’y avait point de cadavres. Et ils descendirent de leurs chevaux pour écouter les paroles de Hektôr cher à Zeus. Et il tenait à la main une pique de onze coudées, à la brillante pointe d’airain retenue par un anneau d’or. Et, appuyé sur cette pique, il dit aux Troiens ces paroles ailées :

— Écoutez-moi, Troiens, Dardaniens et alliés. J’espérais ne retourner dans Ilios battue des vents qu’après avoir détruit les nefs et tous les Akhaiens ; mais les ténèbres sont venues qui ont sauvé les Argiens et les nefs sur le rivage de la mer. C’est pourquoi, obéissons à la nuit noire, et préparons le repas. Dételez les chevaux aux belles crinières et donnez-leur de la nourriture. Amenez promptement de la Ville des bœufs et de grasses brebis, et apportez un doux vin de vos demeures, et amassez beaucoup de bois, afin que, toute la nuit, jusqu’au retour d’Éôs qui naît le matin, nous allumions beaucoup de feux dont l’éclat s’élève dans l’Ouranos, et afin que les Akhaiens chevelus ne profitent pas de la nuit pour fuir sur le vaste dos de la mer. Qu’ils ne montent point tranquillement du moins sur leurs nefs, et que chacun d’eux, en montant sur sa nef, emporte dans son pays une blessure faite par nos piques et nos lances aiguës ! Que tout autre redoute désormais d’apporter la guerre lamentable aux Troiens dompteurs de chevaux. Que les hérauts chers à Zeus appellent, par la