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purs n’étaient pas simplement une colonie d’aliénés évadés. Mais non, ce n’était pas possible. Leur type unique au monde, leurs figures et leurs silhouettes identiques qui faisaient d’eux des êtres en quelque sorte interchangeables et sans individualité, excluaient toute explication banale, les environnaient d’un mystère aussi opaque que celui où évoluaient les Immondes eux-mêmes.

C’est ce double mystère énervant que je tailladais à coup de facéties mentales tout en dégringolant à travers les entablements basaltiques du tunnel aux fougères quand j’entendis derrière moi un ronflement à peu près comparable à celui d’une auto électrique. Je savais cette fois de quoi ou plutôt de qui il retournait, et comme il faisait très sombre, je jugeai prudent de me ranger pour ne pas me faire bousculer ou renverser par le monstre. Bien m’en prit, car il passa comme une trombe, me frôlant presque, et laissant derrière lui un sillage malodorant, comme une traînée de musc, de varech et de saumure. Évidemment il ne m’avait pas vu ; mais il m’avait flairé au passage, car il s’immobilisa soudain en pleine lumière à l’endroit où le petit bois de fougères s’ouvrait sur la jungle, et je me sentis défaillir d’horreur.