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point qu’après avoir immergé nos morts, nous dûmes rester enfermés dans l’entrepont et y demeurer jusqu’au soir, toutes issues closes. Par bonheur nous y trouvâmes de nombreuses conserves et salaisons qui nous permirent de nous restaurer, et nous rassurèrent quant aux lendemains. Ce fut un soulagement moral autant que matériel, car à plusieurs reprises, durant cette nuit terrible, alors que les autres dangers diminuaient progressivement, la perspective de mourir de faim (puisque nous ignorions qu’il y eût des vivres à bord) nous avait tenaillé l’imagination.

Le lendemain, la chaleur de l’incendie qui, s’éloignait, s’étant apaisée, nous nous risquâmes à descendre à terre, d’autant que le roulis du yacht commençait à nous incommoder, les eaux de la rade répercutant la tempête qui sévissait au large. Nous fîmes un détour pour ne pas enjamber trop de cadavres. La forêt lointaine brûlait toujours. Un silence terrible pesait sur la falaise, mais, là-bas, on entendait les arbres se fendre, gémir, éclater, les cris farouches des bêtes aux abois, les rugissements désespérés des fauves rendus fous par la terreur. L’enceinte de la station n’était que ruines et décombres ; on y marchait sur un lit de cendres chaudes.