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secousses de bas en haut, la tête renversée en arrière, les narines palpitantes. Et il semblait qu’il nous scrutât de son visage mort, mi-calcifié, aux yeux sanieux, excavés, sans regard. Tout à coup il cessa de souffler dans son instrument. Prognathe, son mufle s’allongea, creusant deux trous sinistres sous les pommettes ; la face douloureuse roula dans l’étoupe poissée de la crinière qu’il ramenait sur le front d’un geste désespéré ; sa tête enfin retomba sur son thorax à claire-voie et, docilement il se laissa emmener.

« Toi, mon vieux, ricana M. Brillat-Dessaigne, comme le prisonnier passait sur le front de notre groupe, tu iras prochainement porter de nos nouvelles à nos collègues de l’Académie des sciences de Paris. » Et Moustier, de s’esclaffer.

Une fois de plus j’eus l’impression très nette que les deux chimistes, pour plaisanter comme ils le faisaient, n’avaient pas la moindre conscience du danger suspendu sur leurs têtes. Leur attitude aussi, vis-à-vis des êtres exterminés, participait un peu de ce même dédain ironique impliqué dans l’épithète de réaction de laboratoire dont ils stigmatisaient indistinctement toutes les créatures issues de leurs manipulations. Ils ne montraient, en