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branle, et le chimiste, qui s’était fait monter la lance sur le chemin de ronde, en dirigea le bec sur les assaillants les plus proches, ceux des rizières. Mais ces derniers étaient hors portée et demeuraient d’ailleurs immobiles, tandis que le bataillon du joueur de biniou continuait d’avancer. Parvenu à une quarantaine de mètres de la muraille il s’immobilisa à son tour, l’aile pivota sur le centre par une conversion à gauche, démasquant tout un champ de thé qui se rua en avant au milieu d’un concert des plus sinistres hululements que nous ayons ouïs de notre vie. Mais en même temps un bruit d’eau fusante sillonna l’espace : la pompe commençait son œuvre. Un grand serpent liquide s’élança à la rencontre des assaillants, et l’on vit sa tête écumeuse, promenée de ci, de là, semer la mort dans leurs rangs. Des files entières s’abattaient à demi enterrées sous les arbustes que leurs porteurs laissaient choir dès qu’ils étaient atteints ; d’autres files arrivaient, s’empêtraient dans les branches qui leur barraient le passage, tombaient, se relevaient pour être anéanties à leur tour. Le bataillon du joueur de biniou assistait immobile, stoïque, à ce désastre rythmé en cauchemar sur la plus ahurissante des mélopées.

Des fumées pâles s’élevèrent au-dessus du