Page:Hoche, Le faiseur d'hommes et sa formule, Librairie Félux Juven, 1906.djvu/214

Cette page a été validée par deux contributeurs.

yeux la ridicule paternité dont ils l’affublaient, peu lui importait, il n’entendait pas aller plus loin dans cette voie. Jamais, jamais du reste il n’admettrait qu’ils se prétendissent malheureux, alors qu’il était convaincu — c’était sa marotte, cela — qu’ils détenaient la seule vraie formule du bonheur, celui qui gît dans une vie exempte de tout élément passionnel. Comme, au surplus, il ne pouvait réellement pas leur donner ce qu’ils demandaient, il n’entendait même pas se commettre personnellement avec eux, appréciant fort bien que l’invisibilité, l’inaccessibilité, le mystère, peut-être aussi l’inexorabilité, constituent la grande force des autocrates et des potentats de droit divin. Moustier, son second, serait chargé d’enregistrer, pour la forme, leurs vaines doléances s’ils se présentaient avec une attitude pacifique ; dans le cas contraire ils seraient reçus à coups de fusil.

C’était cette finale justement que nous discutions à présent, ma femme et moi, avec la sensation angoissante que ces quelques mots prononcés trop à la légère suffisaient à empoisonner le royal décor qui nous environnait, à mêler je ne sais quelle teinte vénéneuse au vert des arbres et au bleu de la mer, à rendre plus irrespirable et meurtrière que de raison, l’haleine