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simple fait même de ne pas se sentir seul à savoir qu’il y a du danger, modifie notre attitude vis-à-vis de ce danger. En Europe où tout le monde se sent les coudes à toute heure du jour et même de la nuit, ceux que menace un danger quelconque se mettent aussitôt à s’agiter comme des rats empoisonnés, et cette agitation gagne de proche en proche, s’étend, rayonne, fait la tache d’huile, jusqu’à ce que le nombre de personnes voulu soient au courant et prêtes à donner à l’épisode tout le bruit et le dramatique convenables.

Une telle ressource nous faisait défaut ici. Nous qui avions vu les Immondes à l’œuvre, nous étions seuls à savoir, seuls à comprendre, seuls à pressentir les malheurs qui s’apprêtaient. Le gros des habitants de la Résidence n’était pas informé, et le savant, lui, s’en fichait. Oui, il s’en fichait, c’est la propre expression dont s’était servi Brillat-Dessaigne, la veille, quand je lui avais rapporté mot pour mot ma conversation avec le chef et les considérants dont celui-ci avait appuyé son ultimatum. N’ayant jamais rien exigé des Purs, il n’admettait pas qu’ils exigeassent quoi que ce fût de lui. Il leur avait donné la vie et fourni les moyens de subsister ; que cela justifiât insuffisamment à leurs