Page:Hoche, Le faiseur d'hommes et sa formule, Librairie Félux Juven, 1906.djvu/209

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n’était-ce pas notre faute à nous qu’il avait sauvé de la mort, spontanément, par simple humanité ? Je lui pris la main avec un élan de sincère pitié :

— Je vous supplie de réfléchir encore, lui dis-je, songez que c’est un ami qui vous parle, un homme qui vous doit la vie et aussi la vie de sa femme. Cet homme vous jure que le Père dit la vérité, qu’il ne peut rien pour vous… Croyez-moi, je n’ai aucune raison de vous tromper, au contraire, je ne vous veux que du bien.

— Moi aussi je suis votre ami, répondit le chef tandis qu’une émotion cette fois mouillait sa voix, mais je ne veux pas mourir encore, vous entendez, je ne veux pas mourir… et c’est bien sur votre amitié que je compte pour faire comprendre au Père qu’il ne doit pas nous laisser vieillir et mourir si vite, si effroyablement vite, — une subite terreur luisait dans ses prunelles — c’est trop triste, voyez-vous, et trop bête de mourir sans avoir eu seulement le temps de comprendre l’existence.

— Le Père vous a donné la vie ; il n’est pas libre, hélas ! de la prolonger.

Un silence poignant accueillit cet aveu. Je regardai le chef qui baissait la tête ; son visage s’était contracté comme celui d’un enfant qui va pleurer.