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n’eut pas de peine à les induire en des idées absolument fausses sur le monde et ses origines, à leur cacher tous les secrets de la vie, y compris le mystère des sexes, à leur façonner enfin une sorte de conscience anthropocentrique limitée à la région qu’ils habitaient et qu’il leur était, au reste, défendu de franchir.

C’est également à la fâcheuse hérédité de ce maniaque — il est mort depuis, soyons indulgents — que mes pupilles sont redevables de leur étiquette baroque de Purs, par opposition aux autres qui étaient les Impurs ou les Immondes. Heureusement pour eux le symbolisme de ces vocables ne pouvait les tourmenter, puisqu’ils ne savaient pas, puisqu’ils ne savaient rien de rien, n’ayant même aucune notion de lecture ni d’écriture. C’est pour leur conserver du moins les bénéfices de leur totale inculture que je me décidai plus tard à laisser les choses dans le statu quo. Je m’explique.

Plus je songeais à leur cas singulier, unique au monde, plus je me disais qu’ils représentaient l’homme théoriquement et parfaitement heureux, l’homme qui n’existe pas, qui n’a jamais existé, mais qui existera certainement à la fin des temps humains. Cet homme, en effet, ignorera la femme, parce qu’il n’y aura plus de femmes