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apparu sous la véranda que celui-ci m’introduisait dans un modeste cabinet de travail où je me trouvai en présence d’un homme de quarante ans, correct et froid d’abord, mais s’animant peu à peu jusqu’à se hausser au ton de l’affabilité la plus exquise. Aujourd’hui encore je revois ses traits distingués, son teint clair et sain, son front de penseur labouré de rides précoces. Il avait l’œil glauque, l’œil des races du nord-européen, un œil qui semble regarder en dedans mais qui jamais ne fuit le regard de l’interlocuteur. Il m’assura dès le début de notre entretien qu’il connaissait mon nom pour l’avoir lu en bas de maint article de revue, et qu’il se faisait fort d’obtenir pour moi, dans le plus bref délai possible, c’est-à-dire dans deux ou trois jours, une audience du « patron », M. Brillat-Dessaigne.

Je sursautai à ce nom que personne encore, à la Résidence, n’avait prononcé devant moi. Ainsi donc le fantastique Démiurge sur le dos duquel nous avions si souvent exercé notre verve, ma femme et moi, n’était autre que Brillat-Dessaigne, l’illustre chimiste, le créateur de la synthèse des corps simples, un des savants les plus réputés de France et d’Europe ! Et je me rappelai soudain que, parvenu à l’apogée de la gloire,