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voya au château de Loches au pain du roi, comme un criminel, et arrêta tous ses petits revenus. Dans cette dure et injuste captivité, sa fermeté demeura inébranlable. Il vécut du pain du roi, et de ce que les bourgeois de Loches lui envoyaient dans une petite écuelle qui faisait le tour de la ville. Cette « petite écuelle » nous paraît moins un soulagement pour le prisonnier, qu’une sorte de protestation silencieuse, et d’hommage pour une infortune si noblement portée.

« Jamais il ne se plaignit, jamais il ne demanda ni ses biens ni sa liberté. Près de deux ans se passèrent ainsi. À la fin, la cour, honteuse d’une violence sans exemple et si peu méritée, plus encore par ce courage qui ne se pouvait dompter, relâcha ses revenus et changea sa prison en exil, où il a été bien des années, et toujours sans daigner rien demander. Il en arriva comme de sa prison, la honte fit révoquer l’exil. » (Saint-Simon.)

Durant son séjour à Loches, le marquis de Chandenier fut soutenu, non seulement par sa grande fermeté d’âme, mais encore par les sentiments d’une piété sincère. Malgré la modicité de ses ressources, il fit don à l’église collégiale d’une grande lampe d’argent, où ses armes étaient gravées avec cette inscription, touchante de la part d’un prisonnier : « Franciscus, princeps Lemovicus, marchio de Chandenier, prætorium præfectus, in tenebris hanc dedit lucem, anno 1675. »

Il revint à Paris, où il mourut en 1695, dans les sentiments d’une grande piété, après avoir consenti, dans l’intérêt de ses créanciers et par scrupule de conscience, à recevoir le prix de sa charge, qu’il avait refusé si longtemps. On obtint même qu’il vit M. de Noailles. « L’effet de la religion le soumit encore à recevoir cette visite, qui, de sa part, se passa froidement, mais honnêtement. »