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comment les Corps se meuvent, leur firent nier qu’ils se meûssent, ni qu’ils pûssent se mouvoir. Nous ne rapporterons point les argumens sur lesquels ils tâcherent de fonder leur opinion : mais nous remarquerons qu’on ne sauroit nier le Mouvement que par des raisonnemens qui détruiroient l’existence de tous les objets hors de nous ; qui réduiroient l’Univers à notre être propre ; & tous ses Phenomênes à nos perceptions.

Il est vrai que nous ne connoissons le Mouvement que par nos sens : mais y a-t-il beaucoup de choses que nous connoissons autrement ? La force motrice, la puissance qu’a un corps en mouvement, d’en mouvoir d’autres, sont des mots inventés pour suppléer à nos connoissances, & qui ne signifient que des resultats de Phenomênes. La seule habitude nous empêche de sentir tout ce qu’il y a de merveilleux dans la communication du Mouvement. Depuis que nous avons ouvert les yeux, rien ne les a si souvent frappés que ce Phenomêne. Celui qui n’y a pas réflechi, n’y trouve rien d’obscur ; celui qui y a beaucoup pensé, désespere d’y rien comprendre.

Si quelqu’un, qui n’eût jamais touché de Corps, & qui n’en eût jamais vû se choquer, mais qui eut l’expérience de ce qui arrive, lors qu’on mêle ensemble différentes couleurs, voyoit un corps bleu se mouvoir vers un corps jaune ; & qu’il fût interrogé sur ce qui arrivera, lorsque les deux corps se rencontreront ? Peut-être que ce qu’il pourroit dire de plus vraisemblable, seroit, que le corps bleu deviendra verd dès qu’il aura atteint le corps jaune. Mais qu’il devinât, ou que les deux corps s’uniroient pour se mouvoir d’une vîtesse commune ; ou que l’un communiqueroit à l’autre une partie de sa vîtesse pour se mouvoir dans le même sens avec une vîtesse différente ; ou qu’il se réflechiroit en sens contraire ; je ne crois pas cela possible.

Cependant, dès qu’on a touché des Corps ; dès qu’on sait qu’ils sont impénétrables ; dès qu’on a éprouvé qu’il faut une certaine force pour