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ne supposions pas déja que c’est un Etre tout sage & tout puissant qui les a mises dans l’Univers.

Que sert-il, dans la construction de quelqu’animal, de trouver des apparences d’ordre & de convenance, lorsqu’après nous sommes arrêtés tout à coup par quelque conclusion fâcheuse ? Le Serpent, qui ne marche ni ne vole, n’auroit pu se dérober à la poursuite des autres animaux, si un nombre prodigieux de vertebres ne donnoit à son corps tant de flexibilité, qu’il rampe plus vîte que plusieurs animaux ne marchent. Il seroit mort de froid pendant l’hiver, si sa forme longue & pointue ne le rendoit propre à s’enforcer dans la terre : il se seroit blessé en rampant continuellement, ou dechiré en passant par les trous où il se cache, si son corps n’eût été couvert d’une peau lubrique & ecailleuse. Tout cela n’est-il pas admirable ? Mais à quoi tout cela sert-il ? A la conservation d’un animal dont la dent tue l’homme. Oh ! réplique t-on, vous ne connoissez pas l’utilité des Serpens. Ils étoient apparemment necessaires dans l’Univers ; ils contiendront des remedes excellens qui vous sont inconnus. Taisons-nous donc : ou du moins n’admirons pas un si grand appareil dans un animal que nous ne connoissons que comme nuisible.

Tout est rempli de semblables raisonnemens dans les écrits des Naturalistes. Suivez la production d’une Mouche, ou d’une Fourmi : ils vous font admirer les soins de la Providence pour les oeufs de l’insecte ; pour la nourriture des petits ; pour l’animal renfermé dans les langes de la chryzalide ; pour le développement de ses parties dans sa métamorphose. Tout cela aboutit à produire un insecte, incommode aux hommes, que le premier oiseau dévore, ou qui tombe dans les filets d’une Araignée.

Pendant que l’un trouve ici des preuves de la sagesse & de la puissance du Créateur, ne seroit-il pas à craindre que l’autre n’y trouvât de quoi s’affermir dans son incredulité ?