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LES HOMOSEXUELS

femme à larges bords, muni d’une ample voilette. Le jeune homme chante en voix de soprano… Les deux pièces sont bondées de monde. Le public n’est pas vulgaire. Aucun des auditeurs ici présents ne crache par terre, ne se nettoie les dents et les oreilles, ne se gratte les jambes comme nous avons eu le dégoût de le constater ce soir en d’autres lieux. Des vieux messieurs dignes, des sportsmen rasés et quelques artistes frisés au petit fer, tel est le public d’ici. Nul, s’il n’était prévenu ne remarquerait quoi que ce soit d’étrange, à part un autre chanteur également sopraniste… et l’absence complète de femme… On boit sans exagération à des tables proprement couvertes. Pas un mot malsonnant ; et aucun sous-entendu obscène dans les chansons qui se débitent ici. C’est plutôt une teinte de sentimentalité qui règne dans cette atmosphère. Cependant le soprano qui se dandine sur ses hanches comme s’il portait une robe à traîne, termine sa tendre chanson.

« À ce moment, un vieillard d’aspect respectable, qui était assis à notre table, se tourne vers l’un de nous et lui touchant l’épaule d’un air d’intimité lui demande, le regard brillant : « Vous plaisez-vous parmi nous ? »