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LES HOMOSEXUELS

tous les moyens à ma disposition que c’était là une chose licite, au même titre que l’amour entre homme et femme ! Mais lui prétendait que ce serait être infidèle à sa maîtresse que de recevoir des baisers de moi : « Nous pouvons rester amis, — car je t’aime — me disait-il — mais amis, comme les autres le sont. »

Nous sommes restés liés de la sorte pendant deux ans encore et je me flatte d’avoir eu, au moins au début, une bonne influence sur lui ; non seulement je l’aidais dans ses devoirs, mais aussi je m’efforçais d’ouvrir son esprit aux sujets les plus élevés : les sciences, la politique, etc., et de l’intéresser à ces questions, ce à quoi il n’était pas davantage préparé par l’éducation reçue que par le milieu dans lequel il vivait. Je lui ai gardé pendant longtemps mon amour intact et même à l’heure où j’écris ces lignes, je n’en suis pas encore complètement guéri.

Dans le cours de ces dernières années, les tendances de mes sentiments affectifs m’ont peu à peu intéressé ; d’abord par leur côté négatif. Mes camarades commençaient déjà à parler de leurs bien-aimées, ils gravaient leurs noms sur les bancs de l’école, leur envoyaient des cartes postales illustrées. Je pensais alors, qu’avec le temps je ferai comme eux : j’étais, du reste, le plus jeune de ma classe. Pourtant, je ne me doutais pas que mon affection pour K… n’était autre chose qu’un amour vrai et réel, plus fort et plus profond peut-être que celui que les autres ressentaient pour ces fillettes. Ce ne fut qu’à la faveur de comparaisons que j’acquis le véritable sentiment de la réalité. Comme tout homme vraiment amoureux, je faisais mes promenades sous ses fenêtres, je passais