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LES HOMOSEXUELS

même corps, l’une fière de son honorabilité, considérable et scrupuleuse, l’autre en tous points contraire. Cela n’est pas moins vrai des homosexuels que des normosexuels. J’ai connu un uranien avocat qui, le soir, en quittant son bureau ou une société de son monde dans le quartier de Postdam, allait rejoindre dans le sud de Frederichstadt un « caboulot » dans lequel il passait la moitié des nuits à jouer, à boire et à faire tapage avec Chien-Fou et autres apaches berlinois. La brutale nature de ces criminels semblait exercer sur lui un attrait invincible. Un autre, un ancien officier, d’une des meilleures familles du pays, allait encore plus loin. Deux ou trois fois par semaine, il échangeait le soir, le frac pour une vieille défroque, le tube pour une sale casquette, le haut faux-col pour un foulard aux teintes criardes et allait traîner des heures entières dans les distilleries du quartier des Granges, dont les habitués le tenaient pour un des leurs. À quatre heures du matin on le trouvait dans un cabaret de « sans travail » très achalandé tout près de la gare de Friedrichstrasse, dont il était le client assidu. Il déjeunait pour 10 pfennigs avec les plus misérables vagabonds, pour se réveiller après