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LES HOMOSEXUELS

Le cœur gros il écrit le nom et le dernier domicile connu de sa mère sur l’imprimé : depuis longtemps elle est morte… Il demande ses frères, ses sœurs, ses amis : tous, tous disparus, et le malheureux, désormais, seul dans la vie, descend accablé l’étroit escalier.

Combien sont venus aux renseignements vainement ici, parents, cherchant leur fils perdu, sœurs demandant leur frère, filles à la poursuite du père de l’enfant dont l’avenir repose dans leur sein. « Pas inscrit. Parti sans laisser d’adresse. Parti pour l’étranger. — Décédé », prononce, impassible, l’employé quand, après une demi-heure, il revient, appelle ceux qui attendent qui silencieux, sérieux, anéantis, s’en vont bien rarement réconfortés pour plonger à nouveau dans cette mer de maisons, dans cette mer d’hommes qu’est le puissant Berlin.

La facilité qu’il y a à passer inaperçu dans une ville de deux millions et demi d’habitants, ne favorise pas peu ce dédoublement de la personnalité si fréquent en matière sexuelle. L’homme d’une profession et l’homme d’un sexe, l’homme de jour et l’homme de nuit sont souvent deux personnalités foncièrement différentes en un seul et