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LES HOMOSEXUELS

sans qu’âme qui vive dans son voisinage puisse soupçonner quoi que ce soit. Il y a maint Berlinois de l’Ouest qui n’a jamais vu le Wedding et maint indigène de Kreuzberg qui n’a jamais poussé jusqu’à Scheunenviertel. J’ai été longtemps en rapport avec une vieille Berlinoise, veuve d’un musicien ; elle avait un fils unique qui ne voulait rien faire de bon, qui commença de bonne heure l’école buissonnière, qui s’absentait et vagabondait des jours entiers. Ses parents étaient toujours à sa recherche. Finalement, lorsqu’il eut vingt et un ans, ils perdirent patience et le laissèrent courir. Vingt-six ans durant, sa mère resta sans nouvelles ; elle avait plus de soixante-dix ans et son mari était mort depuis longtemps, lorsqu’elle vit arriver chez elle un homme d’une cinquantaine d’années, vieux avant l’âge, la barbe en broussaille ; — un vrai cheval de retour des tribunaux de basse police « pourri jusqu’aux moelles par l’alcool ». Il venait demander « si le père n’avait pas laissé par hasard, quelques vieilles frusques ». La chose extraordinaire, c’est que, sans être jamais sortis de Berlin, ni l’un ni l’autre, la mère et le fils ne s’étaient jamais rencontrés…