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UN VIEUX BOUGRE

cuisses, adossé à la tour de froment, les fesses au dur de l’éteule. Allongée sur le ventre, devant lui, sa femme le couvait d’un regard heureux. Elle avait les bras repliés sous les seins et elle mordillait la tige amère d’un coquelicot. On discutait la beauté d’une fille qui était de ces nomades en loques. Gaspard jugeait son épouse préférable, et il savourait la nourriture, la bonne odeur des épis exaltée dans l’air torride par la force du soleil énorme, haut, qui blanchissait l’azur désert.

S’en revenant au soir, la tâche faite, il aperçut le campement des romanichels et, à une lucarne de la roulotte, celle dont les moissonneurs avaient évoqué les traits. Il ne vit plus qu’elle, et il demeura au milieu de la route. Des molosses jaunes le flairaient de loin, effrayés par le fer de la faux qu’il portait sur l’épaule. Ses camarades le trouvèrent là. Il en eut de la honte : son âme était changée, mais il ne le connut pas avant le matin.

Toute la nuit, elle avait tissé des histoires, elle qui se taisait d’habitude. Dans chacune, l’inconnue figurait, drapée de ce même châle