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doute voisines, sous les climats chauds et humides de l’Afrique équatoriale. Mais ce sont des espèces vivant sous des climats bien différents de celui de l’Algérie, c’est la faune des rives des grands lacs et des grands fleuves équatoriaux.

« À ces dessins d’animaux d’espèces disparues se joignent des séries de gravures représentant des types vivant encore dans ces parages, antilopes nombreuses, félins, quelques rares singes et plusieurs oiseaux : l’autruche, remarquablement saisie, et une sorte d’ibis.

« … Près de ces monuments se rencontrent aussi des stations préhistoriques, des ateliers de taille de silex…

« On voit, à l’aide de ces documents, le grand Atlas oranais occupé successivement, sous un climat chaud et humide, par des races dont l’industrie, d’abord toute primitive, se modifie, s’affine, et qui parviennent plus tard à donner des figures représentatives de ce qui les entoure et les captive, et cela quelquefois avec passablement d’art.

« Puis après une lacune énorme dans le temps, ces mêmes gravures se surchargent de signes d’une autre race, de caractères jusqu’à présent peu déchiffrables : inscriptions rupestres.

« À ces caractères en succèdent d’autres encore, des lettres lybico-berbères très pures, de larges inscriptions. Celles-ci atteignent l’histoire ; il y a quelques siècles seulement qu’elles sont tracées… »[1]

Tout en causant, nous suivions l’oued Ksar el Ahmar. Il passe au pied d’une haute falaise rouge qui lui a sans doute donné son nom, Ksar el Ahmar, le village rouge. Non qu’il y ait des traces d’un ksar ancien ; mais la falaise, de loin, donne en effet l’illusion d’un ksar en pisé rougeâtre.

Halte et repos de quelques heures, un peu plus bas que Hadjart Mektouba, auprès d’une source fortement magnésiée. Désireux de rapporter à mon oncle quelque gibier, j’entraîne M. Naimon à courir l’alfa une dernière fois, le fusil dans le bras. J’ai la chance de tuer un lièvre, une perdrix, et, embusqué dans les tamarins de la rivière, deux ramiers. Même en revenant de la source je démonte un pivert. Congo se précipite, ramasse l’oiseau, l’égorge et lui arrache quelques plumes vertes : ça porte bonheur aux musulmans, paraît-il, et vaut mieux, pour cela, que, chez nous, la corde de pendu. La raison de cette croyance ? C’est que le vert est la couleur du Prophète. Le vert, couleur de l’herbe, du feuillage, des orges et des blés naissants, symbole du renouveau ! Le Prophète pouvait-il mieux choisir, pour sa couleur préférée dans ces pays nus et brûlés ?

Départ définitif à midi. Suivi d’abord, dans la montagne, un véritable sentier de chèvre parfois à pic au-dessus de l’oued Ksar el Ahmar, parfois perdu au milieu d’un chaos de rochers d’où s’élancent des pistachiers et des genévriers. Après quoi, successivement, une étroite vallée, une prairie, un marais, des jardins que cultive un vieux « négro ». Enfin, nous voici dans une large vallée, où s’élèvent comme des verrues rocheuses, où traînent, comme de colossales chenilles, les plissements montagneux. Une haute muraille domine le tout : Bou Derga, Ksell, Oustani, c’est vous que je revois de nouveau !

Adossé au pied du Bou Derga, un ksar semble en essayer l’assaut : Mecheria, dit « le petit » par opposition avec l’autre Mecheria, poste militaire important sur la voie ferrée d’Ain Sefra.

Ignobles maisons, ruelles horribles, des murs demi-écroulés dominant des jardins mal entretenus le long d’un oued garni de lauriers-roses ; quelques koubbas mal blanchies, tombeaux de personnages d’importance secondaire : voilà Mecheria.

À peine si nous ralentissons un peu notre allure en passant. Puis, rapidement, nous filons sur la route, très bonne à partir du col.

  1. G.-B.-N. Flamand, Le grand Atlas oranais et les régions limitrophes.