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Rien n’était-il changé ?… Non… rien.

Du premier coup, la main de Clairette rencontra sur le panneau de gauche la targette contre laquelle, jadis, en jouant à cache-cache avec ses amies les chevrières, un jour de pluie, elle s’était blessée au front.

Se disant qu’une targette sert à fermer une porte, d’ordinaire, elle avait voulu voir où menait celle-ci. Le panneau lui ayant livré passage, elle s’était trouvée dans un tout petit réduit soigneusement crépi et plafonné.

Un volet dont les ais mal joints laissaient filtrer quelques rais de lumière, était encastré dans la toiture.

Sans hésiter, Claire en avait écarté les deux battants, opération aisée, le volet n’étant fermé que par un de ces loquets en usage dans la campagne, et qui jouent également bien de l’extérieur et du dedans.

Quelle surprise au premier regard jeté sur le dehors !…

Elle y songeait à cet instant, et se hâtait, impatiente de s’assurer que tout était dans le même état.

Il lui suffit d’un coup d’œil pour le constater.

« Ah ! que je vais m’amuser ! » murmura-t-elle.

Refermant le volet et la porte secrète, en toute hâte, par crainte d’être surprise au cours de son exploration, elle suspendit ses robes dans le placard, tant bien que mal, et descendit rejoindre le reste de la famille.

Ni Mme Victor Andelot, ni Rogatienne n’étaient auprès de grand’mère.

Autour de la table, Sidonie s’activait.

« Tiens ! moi qui craignais de me faire attendre, dit Claire ; le couvert n’est pas mis !

— Hélas non, soupira la vieille fille. Modeste perdait la tête entre ses croquettes d’œufs, son rôti et sa tarte aux pommes ; je me suis chargée du couvert : le dîner est déjà si en retard ! »

Un geste de détresse et un sourire soulignèrent ces paroles. Geste et sourire étaient un appel, mais Claire ne le remarqua point.

Eut-elle compris, elle se fut dérobée tout de même ; il ne lui plaisait guère de s’occuper des détails du ménage.

Elle s’informa :

« Où est maman ?

— Auprès de Rogatienne. Elle me remplace ; ma sœur a sa névralgie depuis ce matin ; ta mère est en train de lui administrer de la quinine.

— Ah ! Eh bien, je vais dire bonjour au jardin. Je ne l’ai aperçu que par la fenêtre. Vous m’appellerez quand on se mettra à table, n’est-ce pas ? »

Le bon grand dragon hocha la tête en voyant s’éloigner la jeune fille. Elle avait espéré que Victor interviendrait et dirait à Claire de lui aider.

Il se borna à faire cette recommandation : « Prends un chapeau ou une ombrelle, chérie.

— Oui, papa… »

Elle était déjà dans l’antichambre.

Au jardin, tout était pareil, figé en des habitudes vieilles de tant d’années, que grand’mère elle-même ne devait pas se souvenir d’avoir vu ses carrés de légumes ni ses plates-bandes de fleurs disposés autrement.

Si fait ; devenu plus vieux, plus lent, Théofrède avait réduit le nombre des allées qu’il se croyait tenu de nettoyer.

Jadis, il faisait fonctionner son râteau jusqu’à l’extrémité du petit bois ; à présent, il s’arrêtait aux massifs. Plus moyen de pénétrer dans le fouillis de ronces et de hautes herbes sous lesquelles disparaissaient toutes traces de sentiers.

Pour les limites du jardin, c’était l’immuable, au moins du côté où la nature avait été requise de s’en charger.

Lorsqu’on faisait le tour de l’enclos en longeant d’abord l’allée de gauche, — celle qui était ombragée par les sapins plantés en bor-