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fiance aux malheureux qui se désespéraient de tant de lenteurs, de Kosen, se glissant par l’ouverture obtenue à coups de scie, était allé rejoindre son oncle.

Il lui fallait aussi donner des instructions à ceux que la hâte de se voir délivrés amènerait à se risquer par cette voie périlleuse.

Quelques heures, l’un succédant à l’autre, tout alla bien… Puis… un cri ! des bois se heurtant, un bruit sinistre de terre qui roule lourdement, par masses…

Et le retour de celui qui se tenait prêt à se glisser à la suite de la victime, disant d’un ton bref :

« Fermé ! »

Ce fut une stupeur ! puis un désespoir fou.

« Bab ! protesta Hervé, nous avons des vivres pour presque une semaine. Et si vous voyiez de quel cœur travaillent vos camarades !… Ayez confiance : nous nous en tirerons. »

Ils s’apaisèrent un peu.

Andelot et Kosen parlaient de Claire ; ils en parlaient sans cesse ; leurs ténèbres s’illuminaient de cette radieuse image.

Plein d’entrain, le jeune homme se prétendait assuré de leur salut à tous ; et, peu à peu, ses compagnons de captivité se prenaient à le croire.

À part lui, il se demandait :

« Si j’avais prévu ce malheur, ne m’en serais-je pas retourné par où j’étais venu avant que cette issue ne se fermât ? Et n’aurais-je pas bien fait ?… À quoi suis-je bon ici. De l’autre côté, au moins, j’eusse pu me rendre utile. »

Il ne raisonna pas longtemps ainsi. Ce qu’il faisait au milieu de ces gens à qui les heures semblaient des années ? que le désespoir à tout instant guettait ? qui comptaient entre eux ce que leur mort ferait d’orphelins et de veuves ?…

Il leur prouvait que la solidarité entre hommes, qu’ils occupent le haut ou le bas de l’échelle, n’est pas un mot vide de sens.

Rien que par sa présence, il les réconfortait. Quand ils l’entendaient rire en contant à son oncle quelque tour de ses enfants, ils se rapprochaient, et, encore qu’ils ne comprissent point ses paroles, l’entouraient comme pour respirer un peu de sa gaieté.

Sur la fin du quatrième jour, enfin, l’ingénieur qui dirigeait le sauvetage envoya ce billet à Mme Victor Andelot :

« Les communications viennent d’être rétablies ; votre mari et votre neveu sont vivants ; nous espérons que demain tout le monde sera hors de la mine. »

Le lendemain, en effet, le couloir allant jusqu’aux captifs atteignit des proportions suffisantes à laisser passer un homme à genoux. Les plus valides sortirent ; puis on déblaya de nouveau, afin de pouvoir transporter Andelot.

Depuis quarante-huit heures celui-ci souffrait d’une fièvre violente ; ses blessures s’envenimaient… La montée aggrava son état : on le rapporta chez lui évanoui.

C’est dommage ! il eût été si fier d’assister à l’ovation faite à son neveu !

De Kosen se déroba à l’enthousiasme de la foule. Il s’agissait bien de se laisser porter en triomphe et couvrir de fleurs !

Il était fort inquiet de son oncle, et les médecins ne le rassurèrent point, loin de là.

Jugeant nécessaire l’amputation de la jambe gauche, ils se demandaient l’un à l’autre si, dans l’état de faiblesse où se trouvait le malade, ils devaient tenter l’opération.

Hervé prit sur lui d’insister pour qu’elle fût faite sans retard.

Il se disait avec juste raison que la joie peut tenir lieu de force physique. Et, pressé d’appliquer son remède, sitôt son oncle revenu à lui, tandis que les chirurgiens apprêtaient leur trousse, il l’entretint de ses projets.

Plus de séparation ! Il entendait les ramener tous les deux en France.

Qu’étaient-ils venus faire aux mines de l’Uvaldi ?