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Pompon avaient tant et si bien fait qu’il s’était épanoui à leur profit chez Claire…

Ils la corrigeraient de tous ses défauts ! Ils l’en corrigeraient à force d’exigences ; soit. Mais ne sont-ce pas ces petits êtres qui ont charge de nous arracher à nous-mêmes.

Et puis enfin, la cause de Clairette n’était plus à plaider. Son cousin avait dû s’avouer qu’elle était gagnée, qu’il était conquis… à elle… et qu’il eût pu parler, là-bas, dans l’atelier d’Arlempdes, si son premier devoir n’eût pas été d’en obtenir le droit de ceux-là seuls qui étaient qualifiés pour le lui accorder.

Et, dès que son beau-frère avait pu rejoindre les touristes, sa sœur n’ayant plus besoin de sa protection, il était parti pour la Russie.

Seuls, Thérèse et Yucca était instruits du terme du voyage.

C’était leur rêve, à tous les deux, réalisé soudain, alors qu’ils désespéraient de le voir s’accomplir.

Leur joie ravit Hervé. Son choix n’était donc pas si fou, encore que le cœur y eût plus de part que la raison, puisque « ma sœur Thérèse » elle-même l’approuvait.

Il fut convenu que M. et Mme Murcy se rendraient en Velay au plus tôt, avec Lilou et Pompon, déjà confiés à leurs soins.

Le temps d’assister au vernissage, de parcourir les deux salons de peinture quelques matins, et ils prenaient en effet le chemin d’Arlempdes.

C’était au château de Vielprat que les deux télégrammes d’Hervé avaient abouti.

Claire apprit ainsi tout à la fois que son cousin l’aimait, qu’il avait en elle une confiance absolue, puisqu’il lui léguait ses enfants, et qu’il courait danger de mort…

Quel danger ? elle ne savait encore… Thérèse n’ayant pas osé tout lui dire. Mais la provenance lui laissait pressentir d’où venait le péril.

Peu à peu, par déduction, la vérité commençait à se faire jour… Quand ils la virent préparée à recevoir ce coup terrible, ses amis lui mirent sous les yeux le second télégramme de de Kosen.

Claire accomplit en ces heures douloureuses un de ces efforts qui sont à l’âme ce que la trempe est à l’épée.

Pour obéir à Hervé, il fallait que grand’mère ignorât quels malheurs planaient sur ses derniers jours.

Il fallait que les deux chéris, tout de suite adoptés, beaucoup pour l’amour de leur père, mais beaucoup pour eux-mêmes aussi, il fallait que Lilou et Pompon vécussent sans rien soupçonner, tant qu’il était possible de garder une espérance.

Et, à force de vouloir, de prier, aidée par le réconfort béni d’amitiés sûres, Claire parvenait à ne pleurer qu’auprès de Yucca et de Thérèse.

Avant de les quitter, elle baignait ses yeux, se fortifiait en un nouvel élan de volonté et redevenait presque la rieuse Clairette de toujours.

Yucca échangeait de constantes dépêches avec Mme Victor Andelot.

Le soir du troisième jour, dix ouvriers seulement étaient rendus à l’air libre.

Dans un mouvement maladroit, le onzième, en se traînant vers la sortie par le chemin qu’avait découvert Hervé au travers des décombres, s’était heurté à un madrier soutenant les terres… il était mort étouffé, broyé, on ne savait…

Et toute issue était fermée de nouveau.

Où se trouvait alors de Kosen ?

« Enfermé aussi avec les autres », avait répandu Mme Victor Andelot.

C’était la suprême douleur… presque la fin de tout espoir.

Claire défaillit, cette fois, sentant se briser son courage.

« Prions, disait Thérèse, prions, ma pauvre chérie. Vous verrez que Dieu les sauvera. »

Voici ce qui était survenu. Pour donner con-