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Dans le silence relatif de la tourmente, un toc toc se fit entendre alors.

« Entrez ! entrez ! » fit Henri.

Et, la clef ayant tourné, le petit Hindou parut porteur d’une lanterne.

« Je viens voir si les Sahibs n’ont pas besoin de lumière.

— Ah parbleu, oui, nous en avons besoin ! Mais que se passe-t-il donc ?

— Cyclone, dit l’enfant.

— Oui, oui, je m’en doute. Mais pourquoi ne pas plonger ?

— On ne peut pas… quelque chose de cassé par la chute du grand oiseau qui portait les Sahibs. Commandant bien en colère !… »

Un éclair de joie maligne brilla dans les longs yeux d’agate du petit oriental.

« C’est ben fait ! fallait pas qu’il vînt y toucher ! grogna Le Guen.

— En attendant, c’est nous qui en souffrons, dit Henri ; ceci devient intolérable ! »

Car la houle reprenait ; les hurlements, un instant apaisés, recommençaient de plus belle, et des secousses préliminaires faisaient prévoir un second bouleversement général.

« Avez-vous à bord un ingénieur, un mécanicien ? demanda Gérard, s’accrochant derechef à sa couchette.

— Je ne crois pas, Sahib.

— Alors on n’essaie pas de réparer les avaries de la machine ?

— Je ne crois pas. — Que fait-on donc ?

— On peine ferme ! Déjà un homme est tombé à la mer.

— À la mer ! s’écrièrent les quatre Français. Et on n’a pu le sauver ?

— On n’a pas essayé.

— Dans quelle caverne de malfaiteurs et d’imbéciles sommes-nous tombés ? fit Gérard indigné. Je sors d’ici, je vais droit à ce Marston et je lui dis…

— Vous me ferez punir, Sahib ! dit l’enfant se mettant en travers de la porte… Il y a plus d’une heure que Parker a disparu…

— Laisse, Gérard, s’écria Henri avec autorité. Laisse cet enfant obéir à sa consigne et n’attire pas sur lui d’injustes rigueurs. Délibérons plutôt sur la conduite à tenir… »

Mais de délibération il ne fut nouvelles pendant les longues heures qui suivirent. Derechef la tempête se déchaînait, et, comme si elle eût puisé des forces dans cette accalmie momentanée, elle fit rage sans interruption tout au long de la nuit.

À l’aube, le vent était tombé et, profitant de cette paix relative, le petit domestique reparut avec son plateau.

« Eh bien ! que se passe-t-il là-haut ? demanda Gérard à moitié mort d’épuisement. Mais d’abord comment te nommes-tu, mon petit homme !

— Djaldi, votre esclave ! dit l’enfant baisant avec grand respect la manche du jeune Français.

— Mon esclave ! Sache, Djaldi, que partout où paraît un Français, l’esclavage s’enfuit comme un oiseau de malheur !

— Votre serviteur, alors ! Le Sahib a défendu Djaldi contre Jack Tar. Djaldi toujours reconnaissant !

— Voilà un sentiment excellent, dit Gérard en lui passant amicalement la main sur la tête. Eh bien, mon petit ami, fait-on de meilleure besogne ?

— Non, Sahib.

— Comment ? on n’a encore su réparer le dommage ?

— Pis que cela.

— Que veux-tu dire ?

— Un autre homme à la mer… »

Gérard eut un cri de dégoût.

« Non, Henri ! ne me retiens pas ! Quoi ? Nous demeurerions ici à nous croiser les bras pendant qu’on peine, qu’on lutte, qu’on meurt là haut ?… et qu’on entasse, il semble, sottise sur sottise ?… Comment ? reprend-il soudain illuminé. Mais nous avons un moyen sûr de le