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JULES VERNE

— Environ, répondit John Howard.

— Un peu ramassé de taille ?…

— Non, plutôt grand et fort…

— Les cheveux roux ?…

— Non… noirs.

— C’est singulier !… déclara le matelot. Je me le rappelle pourtant comme si je le voyais…

— Eh bien, reprit John Howard, puisque vous connaissez le capitaine Paxton, allez le voir… Il sera heureux de serrer la main à un ancien compagnon de voyage…

— C’est ce que je ferai, monsieur John…

— Aujourd’hui alors, et même tout de suite… l’Alert doit partir demain dès la première heure…

— Merci pour votre conseil, monsieur John, et, certainement, je ne laisserai pas appareiller l’Alert sans avoir rendu visite au capitaine Paxton. »

Tous deux se séparèrent, et John Howard se dirigea vers le haut quartier de la ville.

Quant au marin, il sauta dans un canot et se fit conduire à bord du trois-mâts.

C’était là un sérieux danger pour Harry Markel et son équipage. Ce Ned Butlar connaissait le capitaine Paxton, puisqu’ils avaient navigué deux ans ensemble ; et que dirait-il, que penserait-il, lorsqu’il se trouverait en présence d’Harry Markel, lequel, évidemment, n’avait aucune ressemblance avec l’ancien second du Northumberland.

Quand le matelot fut arrivé à l’échelle de tribord, Corty, qui se promenait sur le pont, intervint :

« Eh ! camarade, cria-t-il, qu’est-ce que vous voulez ?…

— Parler au capitaine Paxton.

— Vous le connaissez ?… demanda vivement Corty, toujours sur le qui-vive.

— Si je le connais !… Nous avons fait campagne ensemble dans les mers du sud…

— Ah ! vraiment… Et que lui voulez-vous, au capitaine Paxton ?…

— Échanger un bout de conversation avec lui, avant qu’il ne parte… Ça fait toujours plaisir de se revoir, n’est-ce pas, camarade ?…

— Comme vous dites !

— Alors je vais embarquer…

— Le capitaine Paxton n’est pas à bord en ce moment…

— Je l’attendrai…

— C’est inutile… Il ne doit revenir que très tard dans la soirée…

— Pas de chance ! dit le matelot.

— Non… pas de chance !

— Mais… demain… avant que l’Alert ne lève l’ancre…

— Peut-être… si vous y tenez !…

— Certes… je tiens à voir le capitaine Paxton, autant qu’il tiendrait à me voir, s’il savait que je suis ici…

— Je n’en doute pas… répondit ironiquement Corty.

— Annoncez-lui, camarade, que Ned Butlar… Ned Butlar du Northumberland, est venu pour lui souhaiter le bonjour.

— Ce sera fait…

— Alors… à demain ?…

— À demain ! »

Et Ned Butlar, repoussant le canot, se fit ramener au quai.

Dès qu’il se fut éloigné, Corty se rendit à la cabine d’Harry Markel et le mit au courant.

« Il est de toute évidence que ce marin connaît le capitaine Paxton… dit-il.

— Et qu’il reviendra demain dans la matinée… ajouta Corty.

— Qu’il revienne !… Nous n’y serons plus…

— L’Alert ne doit partir qu’à neuf heures, Harry…

— L’Alert partira quand il devra partir !… répondit Harry Markel. Mais pas un mot de cette visite aux passagers.

— Entendu, Harry ! N’importe, je donnerais ma part des primes pour avoir quitté ces parages, où il ne fait guère bon pour nous…

— Encore quinze jours de patience et de prudence, Corty, il n’en faut pas davantage ! »