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rouge éclatant font un effet si pittoresque dans les moissons à demi mûres, et le pavot somnifère, comprenant deux espèces, le pavot noir, cultivé en grand dans le Nord, à cause de ses graines, qui fournissent, par expression, une huile douce, utilisée sous le nom d’huile blanche ou d’huile d’œillette ; et le pavot blanc, dont nous allons nous occuper.

Le pavot somnifère, qui est l’espèce la plus importante, est originaire de l’Asie, de la Perse surtout, d’où il a été importé en Europe depuis des siècles et où il s’est naturalisé dans plusieurs contrées. Homère en parle déjà comme d’une plante cultivée de son temps. Plus tard, il figura dans les jardins de Rome.

Il y en avait tout au moins, de ces beaux pavots décoratifs, dans les parterres de Tarquin le Superbe, témoin la mésaventure dont furent victimes les plus magnifiques d’entre eux. L’histoire en est connue. La ville de Gabies s’était mise en révolte, malgré la présence de l’un des fils du roi. Le jeune prince, quelque peu embarrassé, fit demander conseil à son père. Tarquin ne répondit pas, mais, amenant l’émissaire dans le jardin du palais, il abattit devant lui, de la baguette qu’il tenait à la main, les plus grands pavots des plates-bandes. Le fils, bien digne de son père, comprit rapidement le sens de cette farouche réponse, trop significative dans sa muette éloquence… car il fit décapiter, sans autre explication, les plus notables citoyens de la ville révoltée.

Le pavot est l’une des plantes que l’on trouve le plus souvent représentées sur tous les monuments anciens. Il était consacré à Junon, également à Cérès, qui toujours était couronnée d’épis et de pavots. Ceux qui, en commun, offraient un sacrifice à Cérés et à Bacchus, ne s’approchaient de l’autel que le front couronné de lierre et de pavots.

Dès la plus haute antiquité, l’on connut les propriétés somnifères et calmantes de cette dernière plante, ce qui lui valut l’honneur d’être employée à l’ornement de la couche de Morphèe, le dieu du sommeil et des songes.

Suivant le témoignage de quelques historiens, les feuilles du pavot servaient d’aliment à certains peuples. Les Égyptiens et les Romains en pulvérisaient les graines torréfiées, les mêlaient avec du miel et en confectionnaient diverses espèces de gâteaux, usage qui s’est perpétué en plusieurs régions de l’Italie’et de l’Allemagne.

Ed. Grimard.

(La suite prochainement.)


LE GÉANT DE L’AZUR
Par ANDRÉ LAURIE

IV

Départ.


Grâce aux mesures prises par les deux auteurs de l’Épiornis, la construction de l’oiseau mécanique avait pu s’achever dans le plus profond secret. Personne, à Paris ni ailleurs, n’en soupçonnait l’existence. Les deux ouvriers employés à la main-d’œuvre étaient les premiers à respecter ce mystère avec un soin jaloux. L’établissement du hangar dans un jardin isolé n’avait rien d’insolite ou qui attirât particulièrement l’attention du voisinage. Du côté de la Seine, les passants qui le remarquaient, se profilant sur la hauteur de Passy, ne songeaient même pas à s’en demander la destination et ne pouvaient, en tout cas, la deviner.

Le but des inventeurs, en s’entourant de ce profond secret, avait été d’abord d’écarter les curiosités incommodes et de se prémunir