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JULES VERNE

Lors de leurs excursions à travers l’île, M. Patterson et ses jeunes compagnons s’émerveillèrent à voir les champs remarquablement cultivés. Quelle fertilité à la surface des plateaux de strate de calcaire ! Partout des fermes bien entretenues, au courant de tous les progrès de l’agriculture !

On n’a pas oublié que, le réseau hydrographique étant insuffisant à Antigoa, il avait fallu établir de vastes citernes pour recueillir les eaux pluviales. À ce sujet, M. Perkins eut occasion de dire que, si les indigènes avaient donné à l’île le nom de Yacama, « la Ruisselante », ce devait être dans un sens ironique. Actuellement, ses réservoirs suffisent à tous les besoins de la ville et de la campagne. Le drainage des eaux, intelligemment combiné, s’accomplit à la satisfaction générale. En même temps que la salubrité d’Antigoa est assurée, il garantit l’île à l’avenir contre cette disette qui, par deux fois, en 1779 et en 1784, produisit d’incalculables désastres. Les colons furent dans la situation de ces passagers qui ne peuvent plus calmer les tortures de la soif, et ce fut par milliers que les bestiaux, sinon les habitants, périrent sur l’île.

C’est ce que raconta M. Perkins, tandis qu’il montrait à ses hôtes, non sans une légitime satisfaction, ces citernes d’une contenance de deux millions cinq cent mille mètres cubes, qui fournissent à Saint-John une moyenne supérieure à celle de plus d’une grande cité européenne.

Les excursions, entreprises sous la direction de M. Perkins, ne se bornèrent pas aux environs de la capitale. D’ailleurs, elles furent toujours combinées de manière que, chaque soir, les passagers pussent regagner l’Alert. C’est ainsi que les touristes visitèrent l’autre port d’Antigoa, English-Harbour, situé sur la côte méridionale. Ce port, mieux abrité que celui de Saint-John, fut autrefois pourvu de bâtiments militaires, casernes, arsenaux, destinés à la défense d’Antigoa. Il est en réalité formé d’un groupe de cratères, dont le niveau s’est peu à peu abaissé, et qui ont été envahis par les eaux de la mer.

Tant en promenades qu’en repas et siestes dans la villa Perkins, les quatre jours affectés à la relâche s’écoulèrent rapidement. Dès le matin, on se mettait en route, et, bien que la chaleur fut grande à cette époque, les jeunes garçons n’eurent point trop à en souffrir. Puis, alors que Hubert Perkins restait chez ses parents, ses camarades revenaient à bord se refaire de leurs fatigues dans les cadres des cabines. D’ailleurs, Tony Renault prétendait que, si Hubert ne rentrait pas comme eux, c’est qu’il y avait « quelque chose », — par exemple, son mariage avec une jeune créole de la Barbade, et que les fiançailles seraient célébrées avant le départ pour l’Europe…

On riait de ses fantaisies, que le grave M. Patterson ne laissait pas de prendre aux sérieux.

La veille du départ, le 15 août, Harry Markel eut une alerte dans les circonstances que voici :

L’après-midi, un canot vint accoster le navire, après avoir débordé d’un brick anglais, le Flag, qui arrivait de Liverpool. Un des matelots du brick monta sur le pont et demanda à parler au capitaine.

Il eût été difficile de lui répondre que le capitaine n’était pas en ce moment à bord, puisque, depuis son mouillage, Harry Markel n’avait débarqué qu’une fois.

Harry Markel observa cet homme à travers la fenêtre de sa cabine. Il l’entendit même et se garda bien de se montrer. D’ailleurs, il ne le connaissait pas et n’en était vraisemblablement pas connu. Mais il se pouvait que ce matelot, ayant navigué avec le capitaine Paxton, commandant l’Alert, eût voulu lui rendre visite.

Là était le danger, — danger de toutes les relâches, — et il ne prendrait fin que le jour où l’Alert, ayant quitté la Barbade, n’au-