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« Ce sont eux. Range tout ceci, ma chérie ; nous écrirons cette lettre quand notre monde sera parti. Mon bonnet est mis droit ? »

Vivement, Claire réintégra papier et plume dans le tiroir, rajusta le bonnet de dentelle noire, ramena par devant les larges brides flottantes, donna un petit coup aux plis de la robe, et, considérant sa grand’mère :

« C’est étonnant comme tu es jolie, aujourd’hui !

— Je pourrais retourner le compliment à ta toilette… Tu savais donc ?… »

Elle n’acheva pas. Lilou et Pompon ouvraient la porte de la grande salle, avant que leur père eût eu le temps de frapper.

Contre leur habitude, les deux bambins marchaient à pas comptés, se tenant par la main. Au lieu de se précipiter en courant vers la vieille dame, Lilou continua d’avancer posément, imité en cela par son frère.

Et, une fois tout près d’elle, il s’écria :

« Mère-vieux de Claire, j’es beau, hein, et Pompon aussi ! »

De vrai, on leur avait fait endosser leurs costumes de cérémonie pour la circonstance : tout blancs, avec des dentelles au col, une écharpe nouée sur le côté et un chapeau à ailes immenses qui les auréolait : tels deux petits saints.

« Superbes, mes chéris ! s’exclama grand’mère, mais venez tout de même m’embrasser. »

Hervé suivait ses fils.

Il eut un instant d’hésitation ; puis, voyant Mme  Andelot se lever et saluer silencieusement, il se borna à s’incliner devant les deux femmes. Toutefois, en dépit de lui-même, un demi-sourire souleva le coin de sa lèvre, lorsque son regard rencontra celui de Clairette.

Il fit encore quelques pas, et, sans dire ni madame, — le mot ne voulut pas sortir, — ni grand’mère, il prononça :

« Notre aimable voisine nous pardonnera d’envahir si tôt son domicile. Mon excuse, c’est qu’il me faut être au Puy pour le train du soir. Il eût été plus convenable, peut-être, de remettre cette visite à mon retour de voyage, mais l’impatience de mes fils et la mienne ne l’ont pas permis. J’étais aussi bien désireux de vous présenter, avant mon départ, M. et Mme  Murcy qui, après avoir accepté de venir s’enterrer dans cette solitude, consentent à servir de parents à ces deux bonshommes durant mon absence.

— Eh bien, ce ne sera pas de trop ! s’écria Claire étourdiment.

— Ma petite-fille, Claire Andelot », articula grand’mère.

Et, les regardant l’un après l’autre :

« Donnez-vous la main, » commanda-t-elle.

À cette injonction, Claire considéra Hervé, l’air d’attendre qu’il s’y conformât le premier. Quant à essayer de s’expliquer en ce moment cet ordre bizarre, le trouble de son esprit y mettait obstacle.

Devant ce regard tout plein de questions, de Kosen fut tenté de rompre le silence. Un geste de son aïeule et le sourire malicieux qui le souligna le retinrent d’en rien faire.

Il alla à Claire la main tendue ; elle y mit ses petits doigts, qu’il serra longuement.

Ce n’était la poignée de main ni d’un indifférent, ni d’un étranger.

Mais, alors ?…

Tout cela n’avait guère pris qu’une à deux minutes : le temps pour Thérèse et Yucca de paraître à leur tour.

Laissant sa jeune bonne, Cécilia, dans le vestibule, Thérèse avait pris son bébé sur ses bras, afin de le montrer à Mme  Andelot, ainsi que René s’y était engagé.

La princesse marchait gravement entre son papa et son oncle.

Les présentations faites et la glace rompue, tout le monde s’assit.

Sans hésiter, Lilou et Pompon avaient choisi comme siège les genoux de leur grande amie.

« Ze t’ai pas vue demain ! s’écria tendre-