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impressionne tellement que les Arabes eux-mêmes le surnomment le « Pays de la Peur », le « Pays du Fusil ». Les Européens qui l’ont traversé n’ont su mieux en rendre l’aspect qu’en le comparant à une mer démontée soudainement figée.

Dans l’Erg, les rivières conservent un cours souterrain ; c’est ce qui explique la végétation relativement puissante de leur lit pendant l’hiver, et la facilité, relative aussi, avec laquelle on y atteint la nappe d’eau dans les puits creusés.

D’après les vieilles légendes sahariennes, il n’en aurait pas été toujours ainsi ; les eaux y devaient couler à découvert et rendre le pays très fertile. Sans doute les rivières furent-elles comblées peu à peu par les sables, les cailloux et les alluvions entraînés.

De l’autre côté de ce désert inhabité, de ces sables mouvants, de ces dunes arides, elles se réunissent tout à fait, en se déversant dans la Sebka du Gourara, grande dépression analogue aux chott, à sec en été, recouverte par places, en hiver, d’une légère couche d’eau salée. Sur les bords de ce lac s’échelonnent les oasis du Gourara.

Ainsi, au sortir d’une nature effrayante, épouvantable, on entre sans transition dans une région fertile, où s’élèvent de verdoyantes oasis, où de riants jardins entourent des villages populeux. Mais les eaux souterraines de la Sebka ont pour déversoir commun l’oued Messaoura[1] qui, après avoir contourné l’Erg à l’ouest, vient longer le sud de la région gourarienne.

Avant que ce large fleuve aille se perdre dans le grand Sahara, il fertilise, sur sa rive gauche, au sud du Gourara, un second groupe d’oasis — le Touat.

Enfin, des montagnes du Tadmit, ceinture orientale de la vallée de l’oued Messaoura, d’autres rivières descendent, qui coulent à ciel ouvert et arrosent, à l’est du Touat, le groupe des oasis du Tidikelt.

Dans toutes ces contrées, l’eau se trouve en abondance et très près de la surface du sol. Les indigènes la font circuler à travers les jardins, après l’avoir amenée dans les « seguias » au moyen de puits à bascule qui sont, à vrai dire, des pompes primitives. Ils emploient aussi, surtout dans les oasis en pente, un système d’irrigation plus compliqué, mais fort ingénieux, la foggara. Ils creusent d’abord une série de puits à même hauteur dans la partie la plus élevée, et en relient les fonds par des canaux souterrains. Ils forment ainsi une source factice aboutissant à l’extérieur au moyen d’autres puits, également reliés par des canaux et creusés par séries les uns au-dessous des autres. Canalisées à leur sortie, les eaux se distribuent dans les diverses propriétés, suivant certains usages et certaines règles acceptés par tous.

Les cultures obtenues ainsi ne manquent pas de diversité.

« Indépendamment des palmiers, qui fournissent des dattes d’excellente qualité, et sous la protection de leur ombre, les productions des jardins sont assez variées. Comme arbres fruitiers, on y constate : figuiers, grenadiers, abricotiers, pêchers, pruniers, cognassiers.

« Comme légumes : oignons, navets, choux, fèves, carottes, citrouilles, melons, tomates, aubergines, courges, poivrons.

« Il y pousse aussi une luzerne servant à la nourriture des chèvres, quelques cotonniers et du tabac[2]. »

Le chiffre de palmiers cultivés se montait, il y a quelques années, à plus de sept millions.

Gourara, Touat et Tidikelt comprennent

    sables à des veines successives. L’Erg, déjà très large à l’ouest, atteint sa largeur maxima au sud d’El Abiod, et sa largeur minima près d’El Goléa.

  1. L’oued Messaoura, formé près d’Igli par la rencontre de l’oued Zousfana, venu d’Aïn-Sefra, et de l’oued Guir, sorti du Maroc, se nomme aussi oued Saoura, oued Messaoud.
  2. L’Exploration du Gourara, par M. Flamand.