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récompense dans le succès. Toi, toujours première, toujours complimentée des professeurs, tu n’as pas besoin de stimulants. À propos, as-tu bien réussi le devoir de cette composition si difficile ?

— Je n’en sais rien : M. Duff nous le dira demain. »

Le jeune garçon se mit à rire.

« Tu sais fort bien, au contraire ; coûte que coûte, une écolière comme toi ne cède jamais la place d’honneur.

— C’est vrai, dit M. Osburn, qui écoutait la conversation, on m’a vanté ton savoir ; les parents de Lotta te donnent souvent pour modèle à leur fille.

— Oh ! monsieur ! Comme ils ont tort, s’exclama Marguerite suffoquée, et détournant la tête comme si elle eût craint qu’on ne lût son trouble sur son visage en feu.

De nouveau Olaf se frotta les mains, l’air satisfait… Les premières constructions de la ville apparaissaient… ce fut avec empressement que la nièce de Mlle Rosenwik remercia ses amis et descendit de voiture à sa porte ; Les yeux perçants de la tante Gerda lui firent passer une sorte d’inspection.

« T’es-tu amusée, ma fille ?

— Énormément.

— Il n’y paraît pas ; tu as juste la mine qu’on rapporte d’un enterrement.

— Peut on dire cela ! »

Désireuse de prouver qu’elle revenait enchantée, Marguerite raconta les heures si agréablement employées au gaard. Jusqu’au menu des repas, tout fut narré… tout, excepté ce qui avait gâté son plaisir…


IV


Le lendemain, quand Marguerite s’éveilla, sa première pensée fut pour l’heure du cours où M. Duff ferait connaître par ordre de mérite les noms des élèves qui avaient concouru. Il lui semblait entendre le sien accompagné d’un petit discours élogieux, et ses compagnes murmurer : « C’est encore toi, toujours toi, la première, Marguerite Lodbrod. » Tout cela lui causait une impression désagréable ; elle ne l’eût jamais cru quelques jours auparavant. Elle déjeuna sans se presser et lit la route lentement, comme à regret.

Olaf aussi songeait au résultat de la composition, aux élèves qui allaient remporter les éloges du professeur, et il se demandait avec tristesse si Marguerite persévérerait jusqu’au bout dans sa mauvaise action. Ce ne fut pas tout à fait par hasard qu’en revenant de prendre sa leçon, il allongea son chemin pour passer devant la porte de M. Duff… Marguerite en franchissait justement le seuil d’un pas précipité, elle le heurta sans le voir…

« Comme tu marches vite, dit-il, on croirait que quelqu’un te poursuit.

— Ah ! Olaf ! mon bon Olaf ! si tu savais ! … » s’exclama-t-elle. Ses yeux remplis de larmes rencontrèrent ceux du jeune garçon qui s’éclairaient d’une lueur très douce.

— Tu pleures, tu as de la peine, dit-il simplement ; veux-tu me confier ton chagrin ?

— C’est trop difficile, tu vas me croire si mauvaise… et pourtant, en me taisant, il me semble que j’étoufferai. Tu connais Barbara, la petite servante de M. Duff, qui soutient sa mère malade, elle va être renvoyée par son maître. »

Olaf fut un peu dérouté par ces derniers mots.

« Calme-toi, dit-il, ce n’est pas ta faute, et tu n’y peux rien.

— Tu te trompes, je suis bien coupable et je voudrais tant réparer le mal que j’ai fait. Mais je ne sais comment t’expliquer, la cousine Lotta, qui est presque guérie, est venue aujourd’hui au cours ; il y a trois jours elle avait envoyé son devoir de composition, M. Duff ne l’a pas vu, et comme c’est à Barbara qu’il avait été remis, on l’accuse de l’avoir égaré.

— N’est-ce que cela ! je l’ai trouvé, moi, ce