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BOURSES DE VOYAGE

— Et je sais bien ce qu’ils cherchent !… ajouta le maître d’équipage.

— Tous les hommes dans le poste, ordonna Harry Markel, et ne nous laissons pas voir ! »

Les matelots, réunis près du gaillard d’avant, redescendirent aussitôt.

Harry Markel et les deux autres restèrent sur le pont, en se rapprochant du bastingage de bâbord, de manière à ne point être aperçus, tout en guettant les policemen.

C’était, en effet, une escouade d’agents à la poursuite des fugitifs. Après avoir inutilement fouillé le port et la ville, ils s’étaient mis en quête le long du littoral, et il sembla qu’ils examinaient l’Alert avec une attention particulière.

Mais, qu’ils eussent cette pensée que la bande d’Harry Markel se fût réfugiée à bord du trois-mâts, après s’en être emparée la veille dans l’anse Farmar, cela paraissait fort improbable. D’ailleurs, tant de navires étaient réunis devant Roberts-Cove, qu’ils auraient été dans l’impossibilité de les visiter tous. Il est vrai, il ne se fût agi que des bâtiments sortis de la baie de Cork durant la nuit, et les constables ne devaient pas ignorer que l’Alert était un de ceux-là.

La question se posait donc de savoir s’ils allaient redescendre sur la grève, réquisitionner une embarcation de pêcheurs et se faire conduire à bord.

Harry Markel et ses compagnons attendaient en proie à une anxiété facile à comprendre.

D’autre part, l’attention des passagers avait été attirée par la présence de cette escouade, qu’ils reconnurent à son uniforme. Assurément, ce n’était pas là une simple promenade sur la crête de la falaise. Ces policemen opéraient quelque recherche aux environs de Cork et de Queenstown, et ils surveillaient le littoral. Peut-être un débarquement suspect qu’ils voulaient empêcher, quelques marchandises de contrebande…

« Oui… ce sont des constables… déclara Axel Wickborn.

— Et même armés de revolvers », assura Hubert Perkins, après les avoir observés, sa lorgnette aux yeux.

Du reste, la distance qui séparait le trois-mâts de la falaise n’était au plus que de deux cents toises. De telle sorte que, si du bord on distinguait parfaitement tout ce qui se passait à terre, de la terre on voyait parfaitement tout ce qui se passait à bord.

Et c’est bien cette circonstance qui, à bon droit, causait tant d’appréhensions à Harry Markel, — appréhensions qui auraient disparu, si le navire eût été d’un quart de mille en mer ! Avec une longue-vue, le chef des agents les aurait reconnus sans peine, et l’on sait ce qui s’en serait suivi. L’Alert ne pouvait se déplacer, et, d’ailleurs, la marée montante l’eût plutôt porté à la côte. Quant à se jeter dans un des canots du bord, en quelque endroit qu’ils eussent débarqué, Harry Markel et ses compagnons auraient été certainement repris. Aussi ne se montraient-ils pas, les uns cachés dans le poste, les autres se dissimulant derrière les bastingages, tout en prenant garde d’éveiller les soupçons des jeunes passagers.

Il est vrai, comment ceux-ci eussent-ils pu soupçonner qu’ils étaient tombés entre les mains des échappés de la prison de Queenstown ? …

Aussi, Tony Renault, plaisantant, déclara-t-il qu’il ne s’agissait pas de recherches effectuées par la police.

« Ces braves constables ont été envoyés là pourvoir si l’Alert a pu appareiller, afin d’annoncer son départ à nos familles…

— Tu te moques ?… lui répondit John Howard, qui prit l’observation au sérieux.

— Mais non, John, mais non !… Allons le demander au capitaine Paxton. »

Tous de descendre alors sur le pont et de gagner l’avant du navire.