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Quand l’âge ou les infirmités l’atteignent, « le meilleur, le plus utile de nos animaux auxiliaires, s’écrie Geoffroy Saint-Hilaire, n’est plus qu’une marchandise à vil prix. On le vend pour sa peau, dix, cinq, quatre francs, si peu, que les moindres dépenses faites pour lui seraient relativement considérables, et c’est pourquoi l’on se contente de le nourrir tout juste assez pour qu’il puisse se traîner à l’abattoir et porter lui-même économiquement sa peau à l’écorcheur. »

À Alger, les corps de troupe ne retirent que deux francs de chaque cadavre entier, et l’équarrisseur reçoit quatre francs pour enlever le corps des chevaux étrangers à l’armée. Là, dans la plupart des localités, on ne trouve pas même un industriel pour les écorcher et les enfouir. Les corbeaux, les chacals et les hyènes se disputent cette dégoûtante curée, et trop souvent le suçoir de la mouche à viande y puise, dans les sucs corrompus, un poison terrible, le charbon, la pustule maligne que sa piqûre inocule à l’homme aussi bien qu’au bétail.

Pour mettre un terme à ces horreurs, pour placer le cheval dans les mêmes conditions que le bœuf, le mouton et le porc, qui sont bien traités, nourris et reposés jusqu’au moment où on les immole, il suffira d’en faire un animal alimentaire.

Lorsqu’il nous donnera sa chair, après nous avoir donné sa force à discrétion, il faudra qu’on fasse pour lui quelques frais de repos et de nourriture, et l’on cessera de l’accabler de coups, pour ne pas s’exposer à gâter une marchandise.

Il arrive souvent, dit M. Lortet, qu’une bête ne peut plus faire le service exigé, à cause de l’âge, à cause d’une ankylose ou d’une maladie quelconque du pied ; son propriétaire se hâtera de la vendre, si la viande de cheval est admise dans la boucherie. S’il peut en tirer 80 ou 100 francs, il ne s’exposera pas à tout perdre, en attendant que le pauvre animal tombe mort sur la route.

En admettant des chiffres aussi bas, l’intérêt, à défaut de pitié, lui conseillera d’abréger un supplice.

Il est évident, comme l’exprimait si bien le docteur Mathias Mayor en 1838, dans son Mémoire aux Sociétés helvétiques d’utilité publique, que lorsqu’on n’aura plus aucune répugnance à faire usage de la viande de cheval comme aliment, cet intéressant compagnon et ami de l’homme ne passera plus, et successivement, en des mains de plus en plus