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qui évolue est rarement ce qu’il croit être ; nous en avons ici la preuve palpable et éclatante.

La façade est restée la même. Les Dieux du Véda sont aussi ceux du Brâhmana ; il les a recensés avec cette méticuleuse apparence de précision qui le caractérise ; à chacun et à chaque groupe de déités il a assigné son rôle et son lot dans le système compliqué des oblations. La religion, sans doute, a pris un aspect moins naturaliste et plus formaliste : les personnages franchement mythiques, comme l’Aurore et ses garçons d’honneur, les deux Cavaliers jumeaux (Açvins), ne figurent plus que dans les préliminaires du sacrifice ; ceux au contraire où le mythe se voile jusqu’à cesser d’être intelligible, passent au premier plan, et Visnu, par exemple, sans prétendre au rang considérable qu’il occupera dans la suite, tient une place hors de toute proportion avec l’indigence de sa légende védique[1]. Mais ce sont là, somme toute, de simples nuances : d’ensemble, et à ne s’en rapporter qu’aux dehors, le brahmanisme ne fait qu’un avec la religion védique.

Regardons-y de plus près : tous les dieux, il est vrai, sont là, visibles et tangibles, et pourtant on saisit le travail de la réflexion spéculative qui bien

  1. Il s’oppose immédiatement à Agni, en tant qu’il est le plus élevé des dieux, Agni étant topographiquement le plus bas puisqu’il habite sur terre ; et ce seul trait devrait suffire à faire unanimement reconnaître en Visnu une des plus hautes incarnations du soleil.