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baye de Pontigny ce qu’il possédait dans la terre de Lorrant ; il avait aussi remis les terres qui environnaient le monastère, et avait pris en échange les biens que l’abbaye avait à Ligny-le-Châtel. Ce même comte permit de supprimer les chemins qui passaient trop près du monastère, et d’en tracer d’autres, afin que le passage des séculiers ne vînt pas troubler les moines jusque dans leur retraite. Étienne, abbé de Regny, Milo, doyen de Ligny, et plusieurs autres, furent témoins de cette concession.

Rien de plus frappant que le spectacle qu’offrait alors Pontigny : on y voyait des hommes qui, après avoir été riches et honorés dans le monde, se glorifiaient dans la pauvreté de Jésus-Christ. Souffrant la fatigue du travail, la faim, la soif, les persécutions, les affronts, comptant pour rien tout ce qui leur manquait, pourvu qu’ils avançassent dans le chemin de la perfection. Au premier aspect, on remarquait que Dieu habitait cette maison. Les bâtimens étaient simples et pauvres ; on n’entendait d’autre bruit que celui du travail, ou celui des louanges de Dieu, lorsque les moines chantaient l’office. Ce silence imprimait un tel respect, même aux séculiers, qu’ils n’osaient tenir en ce lieu aucun discours qui ne respirât la religion. Les moines ne laissaient pas d’être solitaires dans leur multitude, parce que l’unité d’esprit et la loi du silence conservaient à chacun la solitude du cœur.

Bientôt l’abbaye ne put plus contenir le nombre de ses moines. Alors, comme des essaims d’abeilles, ils commencèrent à se répandre en différentes contrées pour fonder de nouveaux monastères dans