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de l’abbaye de pontigny.

sociétés ont fait soupçonner ses mœurs ; mais on peut assurer qu’il n’a été coupable que d’indiscrétion, faute déjà assez grave pour son état. Sa conduite déplut aux religieux. Il le sentit. Alors, il s’appliqua à leur ôter la connaissance de sa situation déplorable. Il confia la conduite de ses affaires à des religieux qu’il faisait venir d’autres maisons ; la plupart étaient incapables de conduire ses affaires, ou, étant corrompus par l’espoir d’une priorature, ils flattaient l’abbé sans le servir. Ils savaient aussi qu’au moindre mécontentement il allait les changer. Le besoin d’argent lui faisait admettre tous les postulans. Il exigeait d’avance de fortes pensions, qu’il dissipait aussitôt. Alors on ne pouvait renvoyer un sujet sans vocation parce qu’on ne pouvait rendre ses avances. Ces moyens bas et honteux ruinaient l’abbaye en la peuplant de religieux qui la déshonoraient. Bien plus, la plupart des prieurs ne conservaient leur place que par des contributions annuelles. On assure qu’un prieur de Jouy lui fournit, en douze ans, plus de cent mille francs. Des prieurs qui avaient ainsi acheté l’impunité, se permettaient les dilapidations, les scandales et la dureté envers les religieux. Ainsi ces revenus, au lieu d’être consacrés au soulagement des pauvres, à la multiplication des maisons ou à de grandes entreprises pour la propagation de la foi, devenaient le partage de l’ambition.

Le gouvernement vint deux fois au secours de l’abbé Chanlatte, en lui accordant des réserves ; car l’abbaye en était venue à un tel assujettissement envers l’État, qu’il fallait à l’abbé une ordonnance