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déchéance, elle se sentirait moins belle et pour ainsi dire plus petite. On devrait s’en affliger non seulement à cause des maux qui suivraient, mais parce que ce serait l’obscurcissement d’une beauté.

Sur tous ces points, nous pensons tous de même, nous savons tous où il faut aller ; pourquoi nous divisons-nous lorsqu’il s’agit de savoir par où l’on doit passer ? Si les raisonnements pouvaient quelque chose, l’accord serait facile ; les mathématiciens ne se disputent jamais quand il s’agit de savoir comment on doit démontrer un théorème, mais il s’agit ici de tout autre chose. Faire de la morale avec des raisonnements, c’est perdre sa peine : en pareille matière, il n’y a pas de raisonnement auquel on ne puisse répliquer.

Expliquez au soldat combien de maux engendre la défaite, et qu’elle compromettra même sa sécurité personnelle : il pourra toujours répondre que cette sécurité sera encore mieux garantie si ce sont les autres qui se battent. Si le soldat ne répond pas ainsi c’est qu’il est mû par je ne sais quelle force qui fait taire tous les raisonnements. Ce qu’il nous faut, ce sont des forces comme celle-là. Or, l’âme humaine est un réservoir inépuisable de forces, une source féconde, une riche source d’énergie motrice ; cette énergie motrice,