Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome2.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Sa Majesté que moy, qui de nature ne puis estre autre. Je voy clairement à quelle fin cela se fait, et le porterois plus patiemment s’il se faisoit sans prejudice du service de Sa Majesté. Mais au contraire le mal croist, et les ennemis se jouent à leur plaisir ; et tout, faulte de s’y opposer. Il se leve plusieurs compagnies, par commission et authorité de monsr le mareschal de Matignon, en mon gouvernement. J’en oy aussi peu parler que si je n’estois point gouverneur ; et en somme n’ay de sa part aucune communication des affaires de la Guyenne. Sy m’osé-je promettre que je ne serois inutile au service de Sa Majesté en ces pays ; et tout le regret que j’en ay, c’est que je voy perir les occasions qui se pouvoyent mettre à profict, et advenir les inconveniens qu’il estoit facile d’eviter. Ceulx de la Ligue qui voyent cela s’en accouragent, prennent de là argument de conforter leurs adherens, leur faisant croire que c’est une farce qui se joue, dont tous les desseins retomberont enfin sur ceux de la Religion ; et les choses passées donnent couleur à ceste invention. Ceux de la Religion, d’aultre part, quelque chose qu’on leur puisse dire, quand ils considerent qu’en un tel besoin puis oublié et laissé derriere, et que je demeure comme eux par conséquent despouillé pendant que chascun s’arme, au lieu de quitter la defiance, la reprennent, qu’en ce temps toutesfois il seroit necessaire de leur arracher par tous moyens. Parmy tout cela, les perturbateurs font leur affaires, qui aultrement se trouveroyent si foibles et si abandonnés en ces quartiers, qu’ils n’auroyent de quoy fournir leurs places ; et ne faudroit que les prevosts des mareschaulx pour les chasser. Faites entendre cela au Roy, car il luy importe : et luy dites que je porte de voir à veuë d’œil empirer ses affaires, qui en un moment se pourroyent amender. Et ramentevés luy, Monsr de Chassincourt, que sa personne ne peut estre plus fidelement desfenduë que par son sang propre, ny son Estat que par ceux qui ne peuvent estre conservés qu’en le conservant. Je ne sçay si en ceste necessité je me dois plaindre que, sur l’estat qui a esté envoyé aux tresoriers generaux de Guyenne, je me trouve des derniers pour ma pension, et, pour le regard de la