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cune forme ni apparence de guerre ; et pour ne mettre personne en alarme, je laisse couler des choses, presque devant mes yeux, qui sont tolerées et que l’on cognoist evidemment estre en faveur des liguez, pour ne rien esmouvoir. Je n’ay eu aulcun advis certain de la prinse de Solomiac[1]. Si elle est, ce n’est par mon commandement ; le lieu est mien neantmoings, et y ay le plus d’interest. Je n’ay rien tant à cœur, Messrs, que la conservation de cest Estat, comme celuy à qui, aprés le Roy, touche le plus. Je desire le repos et tranquillité du Royaume, et consequemment favoriser les villes qui s’y veulent maintenir. Ainsi me semble qu’il n’y a pas raison de soupçonner de moy une chose que je ne doibs pas faire ; mais bien vous diray-je que pendant que vous vous jetez au loin à rechercher le mal que je ne fay pas, j’ay peur que vous ne laissiez naistre et fomenter entre vous celuy que l’on doibt craindre, auquel, combien qu’il soit paré du pretexte de la religion catholique, vous debvez prevenir, pour le lieu que vous tenez, et travailler plustost à l’affoiblir (estant directement contre l’Estat), que vous arrester aux faulx bruicts qui les fortifient. Que l’on voie mes depesches, il ne s’en trouvera une seule qui ne soit selon les commandemens du Roy. J’ay bien ordonné quelque crue de soldats pour la garde de mes maisons et a mes despens. Je n’ay poinct doubté qu’il ne me fust licite pour la seureté d’icelles, et que chascun pouvoit faire de mesme ; mais ç’a esté sans commission et sans tambour : au contraire à la requisition des catholiques mesmes. Aussy vostre depputé ne m’a sceu particulariser aulcune chose qui ayt causé un si grand bruict ; et pour ce, vous prieray de croire, Messrs, que mon but ne tend à aulcune entreprise, ains seulement à rendre tres fidelement au Roy le service et l’obeïssance que je doibs, et d’employer la vie et les moyens que Dieu m’a donnez, à l’execution de ses commandemens. Si par vos bons advis et conseils je puis apporter quelque chose au bien de cest Estat, vous me trouverez toujours tres disposé à les recevoir, comme je vous remercie trez affectueusement

  1. Ce lieu faisait autrefois partie du petit pays de Rivière-Verdun ; c’est aujourd’hui une commune du département du Gers.