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tretenir par contributions qui se levent sur le peuple, saisissant les pauvres gens et leur bestail. On s’assemble, on faict des entreprises et s’il se trouve quelqu’un de la Religion par les chemins, on le tue ou on le Faict prisonnier, luy imposant qu’il a dressé quelque party aux Catholiques. Et sur ce on se donne des alarmes, comme ces jours passez au chasteau d’Aumelas, qui est une maison champestre et comme deserte.

Mais je ne remarqueray point icy telles particularitez qui vous sont assez cognues, comme aussy je ne me tairay des faultes qu’aulcuns d’entre les nostres, par tels exemples, peuvent avoir commises ; ains seulement vous diray qu’il seroit fort facile, s’il vous plaisoit prendre confiance avec les principaulx de la Religion, de remedier à tout, et par une bonne justice empescher le cours du mal. Laquelle neantmoings tant s’en fault que n’avez voulu permettre qu’elle fust retablie en son siege et ancien estat. Et combien que les Catholiques et mesme les plus factieux, qui ont tousjours porté les armes, ayent libre accez partout, conversent parmy les nostres, et jouissent de leurs biens, ceulx de la Religion n’osent approcher encores à une lieue des murs des villes et lieux de leurs anciennes demeures, ne peuvent jouir de leurs biens ; ains a l’on pillé, ruiné et desmoly leurs maisons, coupé les arbres et vignes : tellement qu’ils sont errans et vagabonds en grand desespoir, comme entre aultres ceulx de la ville de Fleurensac[1], lesquels s’estans despuis ung an soubmis sous vostre obeissance, avec foy et promesse qu’ils disent signée de vostre main, de laisser vivre les ungs et les aultres avec exercice des deux religions, faisant la garde commune, se plaignent qu’incontinent vous y avez faict construire une citadelle et faict desarmer ceulx de la Religion, dont les principaulx, craignans leur vie estre en danger, auroient esté contraincts se sauver en un chasteau à demi quart de lieue. Apres quoy faict, leurs biens furent saisis, leurs fruicts, bestail et aultres meubles

  1. Florensac, ville de l’ancien diocèse d’Agde, en Languedoc, aujourd’hui chef-lieu de canton du département de l’Hérault. Elle fut plusieurs fois pillée, durant ces guerres, par les catholiques et par les protestants.