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que je sçay que vous m’aimez, et que je vous aime aussy. Vous sçavez, et ne sçauroit-on desnier que je n’embrasse de verité et de faict tout ce qui appartient à la paix ; je n’ay manqué de parole ni de promesse à ce qui estoit de mon pouvoir et ne reste de tout que la reddition de Mende qui, à mon grand regret, retarde trop longuement. J’y ay faict ce que j’ay pu, comme je doibs, et le gaige qu’on me retient vaut beaucoup mieulx que cela. Aussy croy-je que ceulx qui nous veulent mal seroient marrys qu’on y eust satisfaict. Neantmoings, comme si ce seul poinct estoit le tout, on neglige les aultres parties, et, par maniere de dire, pour un moine on laisse à faire un abbé. Car il me semble que laissant Mende à part (qui me garde de recouvrer plus d’une vingtaine de mes chasteaux, places et maisons, lesquelles je ne demande poinct, esperant que le temps pourveoira à l’ung et à l’autre), on ne peut refuser de passer oultre quant au reste, et de planter la fasce de la paix parmy le peuple d’une et d’aultre religion, luy donnant la seureté et soulaigement qu’il requiert ; que quand cela se feroit, tout aultre obstacle tomberoit bas, et ceulx qui se rendent les plus revesches seroient contraincts de venir à raison. Par tels moyens, sans mettre les armées aux champs, on verroit d’une part et d’aultre la paix s’executer ; ou au contraire, si chascun de son costé tire le bout de la corroye, qu’il fauldra necessairement qu’il rompe par le milieu. Ceulx de la Religion, ne desirant rien tant que vivre en paix et en repos, vous ont presenté leur requeste et remonstrances, pour obtenir de vous ce qui appartenoit à la tranquilité commune, et faire que par mutuelle intelligence et demonstration de leur sincere affection vous entrassiez avant en l’execution de l’edict. Mais ç’a esté en vain ; car encores qu’ils ayent receu, embrassé et publié la paix, cassé leurs garnisons, cessans toutes contributions, fortifications et actes d’hostilite, vous n’avez de vostre part faict aulcune chose correspondante à cela, ainsy que j’ay veu par la response qu’avez faicte aux articles qui vous ont esté presentez. Vous tenez encores vos troupes et compaignies droictes en garnison, comme en temps de guerre ; et les faictes payer et en-