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que l’ennemy a prins, les advantaiges qu’il pense avoir dessus nous, le peu de fruict qui est reussy du voyage de mon cousin, monsieur le Prince, en Angleterre, où j’avois aussy envoyé le sr du Plessis, et le succez du siege de la Fere[1]. Je diray plus : que le secours que nous esperions du costé de l’Allemagne, tant du dict sieur duc Casimir que du dict sr de Clervaut, suivant les dernières nouvelles, semble estre refroidy ou de beaucoup differé. Cependant j’ay esté sollicité par plusieurs qu’il a pleu à Monsieur m’envoyer, d’entendre à quelque bonne paix, faisant toute demonstration d’un singulier desir, et du pouvoir qu’il a de l’effectuer. Pour à quoy parvenir et pour avoir plus de moyen d’en conferer avecques vous ; j’avois moyenné une cessation d’armes, que le Roy mon seigneur n’a voulu accorder. Au lieu de laquelle plusieurs conditions m’ont esté proposées, si dures que je m’en suis excusé. Toutesfois, cognoissant combien mon dict Sieur a d’affection, tant pour la conservation de cest Estat que pour l’advancement de ses affaires, de mettre en ce royaulme la paix, asseurant qu’il en sera le pleige et le protecteur, m’ayant prié que nous en peussions conferer ensemble, je me suis acheminé pour cest effect pour le voir et pour entendre ces conceptions plus particulierement ; dont je vous ay bien voulu advertir, et vous tesmoigner le regret que j’ay de n’estre accompagné en ce voyage des depputez de nos dictes eglises, sans lesquelles je ne veulx rien faire ni conclure. Mais d’aultant que mon dict Sieur me presse de vous faire assembler pour traicter de la dicte paix, et m’a pour cest effect envoyé les sauf-conduits du Roy, assez amples, ne pouvant soubs meilleure occasion prendre conseil avec tous ensemble sur ce qui sera requis, j’ay advisé de convoquer une assemblée generale au vingtiesme de novembre en la ville de Montaulban, en laquelle je vous prie, Messrs, vouloir envoyer vos depputez, garnis de memoires et instructions, pouvoirs et procurations bien amples, et suffisans pour traicter et negocier,

  1. Cette ville avait été prise par le prince de Condé, le 29 novembre 1579, puis reprise par le maréchal de Matignon pour le Roi, le 12 septembre 1580. Le comte de Gramont, mari de la belle Corisande, y fut tué.